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autres. Ce passage de son discours est trop important pour que nous ne le reproduisions pas intégralement. « Notre société, a-t-il dit, ne peut pas se contenter des simples idées morales telles qu’on les donne actuellement dans l’enseignement superficiel et borné de nos écoles primaires. Pour que l’homme puisse affronter les difficultés de la vie avec ces idées, il faut les étendre, il faut les élever, il faut les compléter par un enseignement que vous n’avez pas encore créé, et que vous devez créer avant de songer à répudier l’enseignement moral qui a été donné jusqu’à présent aux générations… Nous considérons, en ce moment, les idées morales telles que les Églises les donnent, — elles sont les seules à les donner en dehors de l’école primaire, — comme des idées nécessaires. » Il serait difficile de faire le tableau de la Chambre, et surtout de l’extrême gauche, au moment où M. le président du Conseil a prononcé ces paroles imprévues. L’émotion était vive, le désarroi profond. M. le président du Conseil a provoqué des réponses indignées. On s’est efforcé de lui faire sentir sa faute, mais en vain : il a persévéré obstinément dans son hérésie. « Je ne sais pas, s’est-il écrié, si la majorité a pris le change sur mes sentimens. J’ai dit à la tribune du Sénat, il y a deux ans, en défendant l’article 14 de la loi sur les associations, que j’étais un philosophe spiritualiste, et que je regardais l’idée religieuse, — je l’ai répété aujourd’hui, — comme une des forces morales les plus puissantes de l’humanité. La majorité savait très bien ce que j’étais quand elle m’a accepté comme président du Conseil. Si elle trouve que je ne suis pas à ma place, elle n’a qu’à le dire. » C’était poser la question de confiance. M. Combes a obtenu gain de cause ; le budget « les Cultes a été voté à une grande majorité ; mais ce n’était plus celle sur laquelle le gouvernement s’appuyait hier. Toute l’extrême gauche a voté contre lui, toute la droite a voté pour lui. Ce n’est pas la première fois que nous assistons à ce phénomène : mais, cette fois, il a eu un caractère particulièrement grave, et il laissera un trouble durable, parce que M. Combes a attaqué de front une des idées les plus chères à la partie la plus active de la majorité, à savoir que l’école laïque est une église, la meilleure de toutes, la seule, celle hors de laquelle il n’y a pas désormais de salut, et que l’enseignement qu’on y donne remplace à tous les points de vue avec avantage celui de la religion. En disant cela, M. Combes s’est fait beaucoup d’ennemis. M. Ferdinand Buisson lui a répondu. M. Buisson est un des principaux pontifes de cette religion purement laïque qu’il a chargé les instituteurs de propager dans les écoles primaires. Serait-ce donc en vain qu’on a