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l’éclat rouge ou jaune des cuivres fourbis, à côté de l’étincellement de leurs mille bracelets, colliers, ou anneaux d’argent autour des chevilles. Noblement belles d’allure et de visage, elles marchent comme des déesses, et on entend sonner, à leurs bras, à leurs jambes, les cercles de métal.

Et chacun veut offrir au fleuve des guirlandes, des guirlandes, comme s’il ne suffisait pas de toutes celles des jours précédens qui flottent encore ; il y a des torsades, en fleurs de jasmin enfilées, qui ressemblent à des boas blancs ; d’autres, en fleurs d’œillets d’Inde, où des rangs jaune d’or et des rangs jaune soufre se mêlent, de façon à produire ce contraste de nuances que les femmes indiennes affectionnent aussi pour leurs voiles.

Le monde des oiseaux, qui avait dormi en longs cordons noirs sur toutes les frises de maisons ou de palais, est en pleine ivresse de réveil, de croassemens ou de chansons. Des compagnies de tourterelles, des compagnies de petits chanteurs ailés viennent se baigner et boire parmi le peuple de Brahma, s’ébattre en confiance au milieu des hommes qui ne tuent pas. On entend des aubades pour tous les dieux, dans les temples ; des coups de tamtam comme des bruits d’orage, des plaintes de musettes, des beuglemens de trompes sacrées. Là-haut, tous les miradors ajourés, toutes les fenêtres à festons et à colonnettes, toutes les terrasses qui voient le Levant, se garnissent de têtes de vieillards, spectateurs empêchés de descendre, par la maladie ou les années, mais qui veulent leur part de lumière matinale et de prière. Et le soleil les inonde de chauds rayons.

Des enfans nus, qui se tiennent par la main, arrivent en troupes joyeuses. Il descend aussi des yoghis et de lents fakirs. Il descend d’inoffensives vaches sacrées auxquelles chacun, cédant le pas avec respect, se fait honneur d’offrir une gerbe fraîche de roseaux ou de fleurs, et qui regardent se lever le soleil, commencer la fête du jour, et qui, dans leur bestialité douce, ont l’air de comprendre et de prier à leur manière. Il descend des moutons et des chèvres. Il descend des chiens empressés, il descend des singes.

Le soleil, le soleil à flots ramène la bienfaisante chaleur, dans l’air que la nuit de rosée avait presque glacé. Tous les édicules de granit, échelonnés sur les marches pour servir de niche et d’autel, les uns à Vichnou, les autres à Ganesa aux bras