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s’il ne l’a pas anéantie, c’est la « notion fondamentale du progrès social, » V, 475. Et c’est encore lui, toujours lui, qui en faisant de la religion « une affaire individuelle, » a sans doute, et comme il s’en vante, inauguré le règne du « sens propre » en matière de religion, mais en même temps, et par cela même, ruiné la notion de « religion. » (V, 54e et 55e leçons, passim.) Car, s’il est vrai que l’office propre de toute religion consiste, tant « à régler chaque existence personnelle, qu’à rallier les diverses individualités, » il est encore plus vrai que « régler et rallier exigent nécessairement les mêmes conditions fondamentales ; » que « les sentimens qui rallient sont aussi les plus propres à régler ; » et qu’une véritable discipline affective ne peut « s’établir et se développer que sous l’uniforme subordination de tous les sentimens personnels aux sentimens sociaux. » (Système de Politique positive, t. II, p. 9-10.)

Voilà, si je ne me trompe, des textes assez démonstratifs, et dont l’interprétation ne laisse aucune place à l’arbitraire ! Aux yeux d’Auguste Comte, toute religion, ou, pour parler sa langue, toute théologie ne vaut qu’en fonction de la sociocratie, et comme acheminement vers l’ « unification de l’espèce humaine. » La « théorie générale de la religion » se confond, pour Auguste Comte, avec la « théorie positive de l’unité humaine. » C’est sur la base de cette identité qu’il reconstruit successivement l’édifice du dogme, celui du culte, et de la discipline. Et cette identité n’est pas déduite, mais induite. C’est l’examen de toutes les religions qui la lui a enseignée : « religions spontanées » ou « religions révélées, » religions « transitoires » ou « préliminaires. » Les conclusions où il aboutit, c’est l’histoire qui les lui a dictées. Et il ne nie pas d’ailleurs que d’autres élémens, d’une tout autre nature, puissent entrer, pour y concourir et s’y unir, dans la composition générale de la religion. Toutes les formations historiques sont complexes. Mais, quels que soient ces autres élémens, il a cru voir qu’ils ne servaient qu’à différencier les religions entre elles ; et, au contraire, ce qui les rapproche les unes des autres, — j’entends pour l’observateur désintéressé, — c’est d’être des « sociologies, » puisque c’est l’élément commun qu’on retrouve en elles toutes.

Voulons-nous maintenant une confirmation « actuelle » de ces vues d’Auguste Comte ? Nous n’avons nous-mêmes qu’à ouvrir les yeux, et par exemple, à nous demander quelle est la