lira que l’Enfer, risquera fort de prendre de Dante une idée injuste. Et cependant c’est sur l’Enfer que la nature morale du grand poète a été jugée. Si le Purgatoire avait plus de lecteurs, ce faux type de Dante qui s’est imposé à l’imagination de la postérité ne résisterait plus depuis longtemps. Pour nous, continue le pénétrant critique, si nous avons une prédilection particulière pour cette partie de la 'Divine Comédie, c’est qu’elle est la plus complète apologie du poète et qu’elle détruit ce type d’homme formé sur le modèle des passions infernales : orgueilleux, atrabilaire, colérique et vindicatif, fait tout entier de justice et de haine[1]. « Ce n’est là que la moitié de son âme. Pour que l’autre nous soit révélée, il faut suivre le poète gravissant la montée de Pénitence, « semant autour de lui les paroles affectueuses et les saints courtois, payant en larmes de pitié les récits qu’il écoute, donnant et recevant l’amour[2]. » Montégut aurait pu ajouter que de cet amour réciproque la musique est souvent la cause, la messagère et l’interprète. Pour la musique et pour ceux qui l’ont chérie, le poète garde la fleur de sa tendresse. De quel doux sourire il salue Belacqua, le faiseur de luths ! Et le trouvère Arnauld, de quelle amicale promesse :
E dissi ch’ al suo nome il mio desire
Apparecchiava grazioso loco.
« Je lui dis qu’à son nom mon désir préparait une gracieuse demeure. »
Surtout n’oublions pas la délicieuse rencontre de Casella. « Casella mio. » Est-il une autre âme que Dante ait, comme celle-là, nommée sienne ? Rappelons-nous enfin la suavité des cantiques innombrables dont résonnent le Purgatoire et le Paradis. Alors nous serons touchés par l’exquise sensibilité du poète ailleurs terrible. Alors nous verrons cet « être gracieux et bienveillant, animal grazioso e benigno, » ainsi que Francesca le salue, se révéler tout entier à l’occasion et je dirais presque aux sons mêmes de sa musique bien-aimée.
La musique, selon Dante, apaise l’âme et la console. Mais elle fait mieux encore : par une vertu plus haute, elle la purifie et la délivre. On trouve au trentième chant du Purgatoire, après la réprimande sévère de Béatrice, un admirable exemple de cet