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Si nous n’y prenons garde, telle sera bientôt, dans les contrées lointaines, la fatale conséquence du triomphe, sur la terre française, de l’anti-cléricalisme. Ces missionnaires, ces religieux et ces religieuses, dont l’exclusivisme sectaire se vante de fermer les couvens et de supprimer les noviciats, ils emporteront, dans les plis de leurs soutanes ou de leurs robes de bure, une bonne part du prestige et de l’honneur même de la France. Avec eux, avec l’écroulement de leurs missions et la fermeture de leurs écoles, une grande chose prendra fin, sur les rivages du Levant et de l’Extrême-Orient : le rayonnement de l’influence française. L’Église à laquelle des ennemis à courte vue se flattent de porter ainsi des coups mortels, l’Eglise est trop riche en hommes et en femmes de cœur pour en être gravement atteinte. Elle transmettra à d’autres le flambeau arraché des mains françaises ; elle saura susciter d’autres dévouemens, recruter d’autres héros ou d’autres martyrs, et aussi d’autres patrons et d’autres protecteurs, qui trouveront honneur et profit à couvrir ses missions de l’ombre de leur drapeau. La France et la langue française seront presque seules à en pâtir. L’aire de l’influence française sur le globe, déjà en voie de se rétrécir, ira rapidement en décroissant, tandis que surgiront, autour de nous, sur les ruines de notre grandeur ancienne, le prestige et la force des puissances rivales.

Le jour où la France, pour obéir aux sommations de l’anti-cléricalisme, aura lâchement abdiqué sa fonction de grande nation catholique, la France sera singulièrement diminuée, aux yeux mêmes des peuples où le nom français avait gardé le plus d’éclat et le plus d’amis. Ce sera, pour nous, le signal de la décadence définitive, de l’irrémédiable déchéance, préparée et hâtée par des mains françaises. A l’heure fatidique des compétitions universelles entre les peuples et les races, nous aurons, nous-mêmes, rejeté ou brisé, comme inutile, le traditionnel instrument de notre ascendant ou de notre suprématie au loin. Le souci de ce qui survit de la grandeur française est-il donc banni des conseils de notre gouvernement, ou doit-il toujours s’incliner devant les considérations électorales ou les préventions religieuses ? Comment appeler pareille politique et de quel nom la nommer ? Pour nous, qui répudions partout la violence, et qui, jusque dans la mêlée de nos luttes politiques ou confessionnelles, nous sommes toujours fait un devoir de ne proférer que des paroles de paix et de concorde, il nous coûte de le dire ; mais notre conscience