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unis aux Oulad-Allal, et les Aït-Ioussi. Si l’on joint à ces circonstances le mécontentement causé dans toute la contrée, surtout chez les Beni-Mgild qui ont combattu les Français au Touât, par les prescriptions du Sultan défendant la guerre sainte, on conviendra qu’il semblait, au premier abord, que de puissans élémens de guerre civile étaient prêts à entrer en campagne et à se joindre au prétendant.

L’événement a démenti ces craintes ; l’attitude d’Omar-el-Ioussi a décidé du sort de Bou-Hamara. Soit qu’il ait reçu de riches présens, soit qu’il ait voulu se faire pardonner ses révoltes passées, soit pour tout autre motif ignoré, on a vu le caïd des Aït-Toussi, après la rude défaite infligée aux troupes du Sultan par les fidèles de Bou-Hamara, marcher contre les Hiaïna et ravager leur territoire ; dans la bataille du 2 février, il commandait l’avant-garde et c’est lui qui semble avoir le plus contribué à la victoire. — Certains renseignemens tendraient à faire croire qu’une partie des Beni-Ouaraïn aurait d’abord suivi le prétendant et l’aurait ensuite abandonné ; peut-être même est-ce à leur défection, préparée par les agens du Maghzen, qu’il faudrait attribuer la défaite des rebelles.

Quoi qu’il en soit d’ailleurs, les fluctuations de la politique marocaine et les procédés de gouvernement du Sultan apparaissent ici très nettement. Il pratique l’éternelle maxime : diviser pour régner ; il ne craint pas de s’appuyer, contre le rebelle d’aujourd’hui, sur le rebelle d’hier, qui peut-être sera le rebelle de demain. En campagne contre les Zemmour et les Gerouan, il apprend les nouvelles de Taza et le mouvement de Bou-Hamara ; aussitôt il pardonne aux deux tribus et suspend la campagne ; il appelle à son aide les Beni-Mtir, dont une fraction, qu’il soutient contre une autre, est depuis longtemps à sa solde ; il s’attache les Beni-Mgild ; puis, de savantes intrigues lui assurent l’appui d’Omar-el-Ioussi. En même temps, les influences religieuses entrent en scène ; le Sultan invoque l’intervention des cheurfa d’Ouazzan : il leur demande de se rendre en pacificateurs dans les pays dont la fidélité est ébranlée, de prêcher la soumission et d’agir en médiateurs. Dans le Rif, dans les Djebala, des agens du Maghzen, des marabouts, des cheurfa circulent pour empêcher le soulèvement de gagner ces tribus remuantes et guerrières ; un oncle du Sultan, Mouley-el-Arafa, se rend, avec quelques troupes, à Tanger, puis près de Melilla,