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de l’entrée il peignit le Combat des Anges et des Démons sur le corps de Moïse. La fresque a péri, dès le commencement du XVIe siècle, dans l’écroulement du mur qu’elle tapissait. On peut se représenter cette composition perdue comme une ébauche de la fresque d’Orvieto, qui montre, parmi les visions des derniers jours du monde, les guerriers célestes debout dans leur armure, au-dessus du tumulte des hordes infernales. La seule œuvre de Signorelli qui se soit conservée dans la Chapelle Sixtine représente les derniers actes de Moïse et les Hébreux recevant les enseignemens suprêmes de leur législateur. Autour du robuste patriarche, à la barbe longue et drue, est rangé un peuple fier de sa force. Les draperies des femmes laissent deviner de larges flancs et des épaules de guerrières. Aux pieds de Moïse, qui lit son testament, est assis un éphèbe nu et beau comme un Niobide ; dans le même groupe, des jeunes gens en pourpoint ajusté et en chausses collantes cambrent complaisamment leurs torses et leurs reins. Ces êtres superbes n’ont pas encore la raideur athlétique des corps dont Signorelli détaillera plus tard la musculature, comme sur l’écorché. Dans les peintures auxquelles ont travaillé côte à côte le Pérugin et Luca Signorelli, vit une même race d’hommes. La décoration de la chapelle pontificale marque, dans la carrière des deux peintres ombriens, un moment d’éphémère équilibre et comme une halte qui les rapproche, à l’entrée des deux voies opposées où ils vont s’engager, l’un chantant les molles extases et les joies immobiles de la contemplation, l’autre célébrant le triomphe de l’action et de la force virile.

Dans les fresques de la Sixtine, achevées en 1482, les deux grands maîtres florentins ont peint, en traits plus nets et plus forts que les deux grands Ombriens, l’image de leur talent, près d’atteindre sa pleine maturité.

Domenico Ghirlandajo, le fils de l’orfèvre, se montre, dans la fresque de la Vocation des Apôtres, tel qu’il sera dans toute sa vie de travail probe et sûr. L’amour du bon peintre pour la vie quotidienne et son respect du détail familier laissent une place à l’intelligence des sentimens profonds et au souci des ordonnances régulières. Le groupe fraternel de Jean et de Jacques, les Apôtres élus par le Rédempteur, unit deux adorations dans une seule attitude agenouillée. Le Christ, entouré d’un groupe solide et sculptural, évoque le souvenir de Masaccio, le maître qui anima