Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jove a publié d’Argyropoulos, l’érudit gourmand qui mourut, dit-on, trois ans après la consécration de la Sixtine, d’une indigestion de melon.

A Rome, Florentins et Ombriens avaient trouvé des compatriotes, qu’ils firent poser devant eux : dans la fresque de la Vocation des Apôtres, Ghirlandajo a introduit toute une députation de la colonie florentine, à la tête de laquelle on croit reconnaître, au milieu de beaux enfans bouclés, le vieux banquier Giovanni Tornabuoni.

La confrontation des peintures de la Sixtine avec les fresques de Florence et les gravures exécutées d’après la collection de Paul Jove permet de reformer une petite galerie de portraits authentiques. Ces portraits sont au nombre d’une douzaine, sans plus. Plus de deux cents portraits ont été exécutés dans la Sixtine, sous lesquels on essaiera en vain d’écrire un nom que les historiens se trouvent d’accord pour accepter. Un jeune cardinal, à figure douce et ronde, que Botticelli a placé près de Raffaele Riario, capitaine de l’Eglise, reste un inconnu. Les nombreux officiers pontificaux, parés de leurs chaînes d’or, sont des fonctionnaires anonymes. Aucun des portraits de femmes, rares et charmans, qui se mêlent à la foule des portraits d’hommes, ne peut être reconnu. L’immortalité que les peintres de Sixte IV ont donnée à cette foule de disparus n’est point, pour la plupart d’entre eux, une immortalité personnelle. Peu importent ces noms, dont beaucoup, sans doute, étaient obscurs avant de s’effacer tout à fait dans la nuit. Ce qu’il faut retenir, comme le signe d’un temps, c’est la conception qu’avaient de l’art chrétien ces artistes qui ouvraient largement l’histoire de Moïse et du Christ au flot de la vie contemporaine, et voyaient dans une scène sacrée un prétexte à réaliser leur rêve de beauté profane et une occasion de peindre un honnête lot de portraits.

Aucune des fresques de Florence, de Prato ou de Pise, dans lesquelles les peintres des Médicis, Lippi, Gozzoli ou Ghirlandajo, ont mêlé aux scènes sacrées les groupes fastueux et graves de leurs protecteurs et de leurs amis, ne réunit une telle foule de figurans. La chapelle où ont travaillé les jeunes maîtres ombriens et florentins qui étaient déjà les chefs du chœur, résume, dans la longue file des portraits alignés sur ses parois, les aspirations de l’Italie du XVe siècle.

Ces gens qui coudoient le Christ ou Moïse ne sont ni des