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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/199

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LA SIXTINE AVANT MICHEL-ANGE

les agrandissant aux proportions des souvenirs bibliques, les événemens de cette année, qui fut dans le pontificat de Sixte IV la plus agitée et la plus glorieuse. Tandis que la vie contemporaine remplit les fresques, au point de noyer les scènes sacrées, l’histoire contemporaine se glisse dans les épisodes de l’histoire biblique, sous le couvert d’allusions qui n’échappaient à aucun familier du Vatican. Dans le cycle de peintures qui chantait, en un chœur solennel, la grandeur de la papauté préparée par les fondateurs de l’ancienne Loi et de la nouvelle Alliance, un accompagnement en sourdine célébrait le nom du pape qui tenait alors les clefs de saint Pierre. Le poème théologique devient, en trois de ses chants, une épopée historique propice aux applications contemporaines. Moïse, dans le Passage de la Mer-Rouge, n’est pas la « figure » du Christ : il est l’image anticipée de Sixte IV, un Énée annonçant un Auguste.

Ce système d’allusions, inauguré dans un ensemble de peintures qui représente l’art du XVe siècle dans la plénitude de sa vitalité insolente et profane, prépare directement les créations de l’art qui, trente ans après la consécration de la Sixtine, célébrera dans un appartement du Vatican le pape dont le nom domine la Renaissance. Lorsque Jules II commandera à Raphaël cette fresque de l’Héliodore, qui représentait, dans sa pensée, la retraite des Français et l’expulsion des « Barbares, » il se souvenait de deux fresques de la vie de Moïse, peintes par Botticelli et par Piero de Cosimo pour son oncle Sixte IV.


E. Bertaux.