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que Louis XIV, l’avaient désignée à la faveur de Charles II. D’autres personnages de la cour anglaise seront ses alliés principaux. Son premier soin, dès son arrivée à Londres, avait été de s’y créer des relations. Lorsqu’elle fut en possession de la faveur du roi, elle les multiplia aisément ; à parcourir les correspondances et les journaux de l’époque, on s’émerveille de l’art avec lequel elle sut entretenir des rapports d’amitié non seulement avec les courtisans empressés à complaire à la maîtresse avérée du monarque, avec les seigneurs que leurs idées religieuses ou politiques rapprochaient de la France, mais avec quelques-uns des chefs du parti opposé.

Ses amis les plus constans sont évidemment ceux dont la fortune est liée à la politique catholique et absolutiste vers laquelle penche Charles II. Au premier rang figurent deux de ces gens de justice dont le nom est resté exécré en Angleterre : le grand juge Scroggs et le fameux Jeffreys. De plus hauts personnages, que leur intérêt semblait rattacher à la même cause, se sentent plus indépendans et varient davantage leur attitude. Tel est le duc d’York, dont l’ardeur catholique mal pondérée est quelquefois entravée par la duchesse, et qui s’en venge en intriguant contre elle, en venant annoncer triomphalement à Charles II, devant elle, la séparation de Louis XIV et de Madame de Montespan, en protégeant la Mazarin ; empressé d’ailleurs à se rapprocher de la favorite, quand il se sent menacé par la haine publique et a besoin de la France. Monmouth, le fils naturel de Charles II, ami de la France et commandant les troupes anglaises à son service, fut d’abord des plus chauds partisans de la Française, au point que les faiseurs d’épigrammes signalèrent leur intimité. Il s’en éloigna, quand il put craindre d’être compromis par elle aux yeux de la nation. Ainsi faisait la foule des courtisans, empressés à ses soupers quand elle semblait toute-puissante, tout prêts à l’abandonner quand son étoile pâlissait. Un petit nombre d’hommes politiques suivirent assidûment sa fortune. Tels furent Godolphin et Sunderland. Les plus hostiles, quand ils arrivaient au pouvoir et par leurs fonctions se trouvaient en contact nécessaire avec la favorite, n’échappaient pas toujours à sa séduction. Il y a d’elle des lettres à Williamson et à lord Danby qui montrent avec quel art elle savait à la fois solliciter leur protection sur un ton d’humilité plus ou moins sincère, faire sentir discrètement de quel poids en leur faveur ou