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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/371

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jusqu’à Schwerin, le consciencieux ambassadeur de Brandebourg, toujours aux aguets de toutes les nouvelles, empressé à les transmettre à son maître, et qui se plaint que la duchesse maudite ait des agens partout, jusqu’à la cour de Vienne, où ils représentent les affaires d’Angleterre sous le jour qui lui convient.

Malgré les instances de Louis XIV et de nouvelles offres d’argent, il faut bien réunir le Parlement le 23 avril. Travaillé par toutes les influences favorables à la France, il ne vote ni la mise en accusation du ministre ni le rappel des troupes anglaises qui demeurent à la solde de la France. Louis XIV reconnaît officiellement les bons offices de la duchesse en lui offrant des pendans d’oreilles en diamans d’une valeur de 18 000 livres. C’est le présent le plus considérable qui soit envoyé en Angleterre au cours de l’année 1675. « Elle les a reçus, écrit Ruvigny, avec les sentimens d’un grand respect et d’une grande reconnaissance. Elle m’a prié d’assurer Votre Majesté qu’elle n’oubliera rien à faire ni à dire pour son service. » Mais la situation devient chaque jour plus difficile. Débordé par les instances de ses sujets, Charles II se trouve « comme une place assiégée qui ne peut se défendre. » Louis XIV a beau multiplier les instances, stimuler encore le zèle de la duchesse en accordant au petit duc de Richmond de devenir titulaire de la terre d’Aubigny : le Parlement se réunit en octobre 1675, multiplie les votes injurieux pour le roi et hostiles envers son allié.

Charles II se décide à un coup d’audace. Il proroge son Parlement jusqu’au mois de février 1677 et conclut avec Louis XIV un nouveau traité secret qui lui accorde 2 500 000 livres tournois et qu’aucun de ses ministres n’ose signer avec lui, tant ils ont peur de se compromettre. « L’on aura bien de la peine, observe Ruvigny, à s’imaginer qu’un roi soit tellement abandonné de ses sujets que, même parmi ses ministres, il n’en trouve pas un seul en qui il puisse prendre une entière confiance. »

Cette mesure permet à la duchesse et à ses alliés, le lord trésorier et le duc de Lauderdale, de disgracier, au grand scandale de Schwerin, une série d’ennemis de la France. En dépit de la rivalité de Madame de Mazarin, son influence officielle est toujours prépondérante au cours de 1676. Elle personnifie la cause française et Ruvigny écrit aux plénipotentiaires français de Nimègue, sachant le retentissement que ses paroles auront dans