Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autres appuis, en partie pour ne pas rester seule si la France l’abandonne, en partie pour montrer à Louis XIV de quel crédit elle dispose, malgré ses dédains. Elle ne cesse pas, en 1679, de personnifier l’alliance française. Le parti protestant demande son éloignement et celui de Sunderland. On la rend responsable de la prorogation du Parlement à la fin de l’année. On se doute des marchandages auxquels elle est mêlée avec la France. L’ancienne amie de la duchesse, la comtesse de Sunderland, qui trahit son mari pour Henry Sidney, son amant, dénonce « l’abominable coquine, qui est prête à trahir l’Angleterre pour quelques livres sterling. » C’est Nelly Gwynn qui devient le champion du parti national et reçoit chez elle le duc de Monmouth. N’empêche que les gens bien informés s’étonnent que la fureur ne soit pas plus grande contre la Française. C’est qu’en ce moment, elle suit une triple intrigue. Sans rompre avec la France ni avec le duc d’York, elle entre en relations suivies avec les deux partis entre lesquels se partage l’opposition anglaise momentanément victorieuse : celui du duc de Monmouth, fils naturel de Charles II, et celui du prince d’Orange.

Du moment en effet où Shaftesbury est arrivé au pouvoir, il a aussitôt voulu se prémunir contre tout retour de fortune en substituant comme héritier au trône, le duc de Monmouth, fils naturel de Charles II, au duc d’York et au prince d’Orange, son gendre, dont le caractère est trop indépendant. Pour y arriver, il patronne devant les Chambres le bill dit d’exclusion qui en apparence ne fait qu’écarter de la succession royale le catholique duc d’York, — qui, en réalité, doit discréditer les Stuarts et la royauté. Mais, d’autre part, la plupart des amis du prince d’Orange se tiennent, avec Halifax, satisfaits de la perspective de le voir succéder au duc d’York ; en partie par attachement pour le prince, en partie par scrupule de la légalité, ils s’opposent violemment à la clause d’exclusion.

Voilà donc l’opposition coupée en deux. La duchesse, dont on sait l’influence sur le roi vieillissant, est en coquetterie avec les deux factions. Une de ses filles de confiance. Madame Wall, professe une passion exclusive pour Monmouth ; les relations de la duchesse avec lui sont si avérées qu’un faussaire peut avec quelque complaisance lui attribuer des lettres qui témoignent de leur entente et sont rédigées de manière à exaspérer l’opinion publique. Mais, d’autre part, elle tâte également le terrain du