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désormais incontestée. Madame de Portsmouth se sent assez forte pour abandonner l’Angleterre pendant quelques mois. Elle ira les passer en France, sous le prétexte « qu’étant attaquée de la maladie de consomption, » elle a besoin des eaux de Bourbon, en réalité, pour resserrer encore l’amitié des deux monarques et reparaître triomphante dans cette cour où elle a vécu obscure et ignorée.

Elle dédaigne les malédictions dont les pamphlétaires couvrent son départ qui coïncide avec celui de Kœnigsmark ; elle les laisse dire qu’une intrigante et un assassin sont faits pour s’en aller la main dans la main, et souhaiter de ne jamais revoir ce « Joas » et cette « Jézabel. » Accompagnée de son fils, charmant enfant dont la grâce attendrit les libellistes eux-mêmes, et de sa sœur la comtesse de Pembroke, elle s’embarque dans les premiers jours de mars 1682 sur un yacht préparé pour elle à Greenwich et arrive à Paris le 20, dans un équipage splendide : quatre carrosses, marqués aux armes royales, plus de soixante chevaux ; un personnel nombreux, à la livrée du roi, puisque le duc de Richmond est son fils.

Un hôtel somptueux a été retenu pour elle à Paris par les soins de l’ambassadeur Preston qui est à sa dévotion, se fait son courrier, et note ses moindres déplacemens. L’accueil qui lui était réservé à Saint-Cloud fut royal : la pruderie naissante de la cour de France soulignait encore la valeur de cette manifestation. Le duc de Richmond parut charmant et plein d’esprit. La duchesse était de toutes les fêtes et mandait ses triomphes à Charles II qui adressait à Louis XIV « de grands remerciemens sur la réception et les bons traitemens faits à Madame de Portsmouth. » On remarquait la richesse de ses pierreries, estimées plus de 500 000 écus. Louis XIV y ajouta en lui faisant présent d’une paire de pendans d’oreilles de la valeur de 32 000 livres (on exagérait jusqu’à 20 000 écus) ; le jeune duc de Richmond reçut une épée cotée sur le registre des présens royaux 11 951 livres ; une chaîne d’or de 1 500 livres fut offerte à l’écuyer de la duchesse. Elle n’était pas moins splendide dans sa manière d’accueillir les cadeaux, donnant un diamant de 4 000 livres au porteur de l’épée, distribuant aux courriers du roi des bijoux de valeur et une épée enrichie de pierreries. Elle eut à la cour les honneurs du tabouret et, selon l’usage de celles qui l’avaient pour la première fois, paya cent écus d’or. Le roi envoya la