Le débat qui va s’ouvrir sera une preuve nouvelle de l’impuissance de ceux qui ont fait le mal à en modérer ensuite les conséquences. Il faut s’attendre au pire. Le sens de la liberté est profondément oblitéré dans notre pays. Le parti au pouvoir, animé du plus pur esprit jacobin, abuse de sa force sans aucune retenue. La liberté et le droit ne sont rien pour lui. Il y avait peut-être, il y avait sans doute quelques mesures à prendre contre la multiplicité croissante des congrégations religieuses, et nous aurions pu pour cela trouver à Rome même un concours qui aurait donné à cette entreprise politique, enfermée dans de justes limites, un caractère respectable pour tous. La faiblesse de deux ministères successifs a déchaîné, au contraire, des violences qu’il n’est plus possible de modérer. Nous allons assister à une œuvre néfaste qui, par la manière dont elle sera faite autant que par les principes dont elle s’inspire, donnera chez nous une redoutable accélération à l’esprit révolutionnaire. La responsabilité de ceux qui l’accomplissent sera lourde devant l’histoire, non pas plus toutefois que celle des hommes qui en ont pris imprudemment l’initiative, et qui ont ouvert l’écluse par laquelle le flot se précipite impétueusement aujourd’hui.
Un grand débat sur la politique étrangère a eu lieu à la Chambre des députés. On y a parlé de beaucoup de choses ; c’est peut-être pour ce motif qu’il n’en est pas sorti une grande clarté. M. Charles Benoist a essayé d’y mettre un peu d’ordre en demandant à M. Delcassé s’il avait un plan arrêté lorsqu’il est arrivé au ministère il y a déjà plus de quatre ans et demi, et quels avaient été les principes de sa politique. Les autres orateurs qui se sont suivis à la tribune, M. Millevoye, M. Georges Berry, M. Delcassé, M. de Pressensé, M. Raiberti, M. Sembat, M. Deloncle, ont parlé de tout, de l’Arménie, de la Macédoine, du Maroc, du Siam, de Mascate et quibusdam aliis. M. Ribot a résumé le débat avec une grande hauteur de jugement, et en a dégagé les conclusions nécessaires. Il est bien rare qu’un ministre ne se tire pas d’affaire lorsqu’on prétend l’enfermer dans un cercle aussi vaste, et M. Delcassé l’a fait habilement. En somme, de toutes ces questions, celle qui occupe le plus les esprits en ce moment est celle de Macédoine, soit parce que les autres n’ont pas un caractère aussi actuel et aussi pressant, soit parce que l’opinion publique, les connaissant mal, s’y intéresse assez peu. Nous ne voulons pas dire par là qu’elle connaisse bien la question de Macédoine, même après le long discours que M. de Pressensé lui a consacré, mais elle s’en tourmente.