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difficile de s’opposer aux entreprises de l’ennemi, quelles qu’elles soient : « Je crois, écrit-il au Roi, comme le juge Votre Majesté que, quand le convoy marchera, les ennemis l’escorteront, s’il est nécessaire, avec la moitié de leur grande année pour le conduire seurement au lieu pour lequel il sera destiné, et que, par conséquent, il nous sera comme impossible d’en empescher le passage. » Il est prêt cependant à exécuter avec docilité les ordres qu’il recevra, et il termine une longue dépêche par ce post-scriptum de sa main : « Je supplie Vostre Majesté d’estre persuadée qu’elle n’aura jamais de sujet plus zélé et plus obéissant pour l’exécution de ses ordres que moy qui, ayant l’honneur de luy appartenir de si près, suis encore plus engagé qu’un autre et par le devoir et par le cœur à contribuer en tout ce qui dépendra de moy a sa satisfaction jointe au bien de l’Etat. » Le même jour, en effet, il écrit à Chamillart en des termes qui témoignent à la fois de sa docilité et de son inquiétude : « Nous allons prendre des mesures pour exécuter les ordres du Roy. Il est certain que le jour où l’on y travaillera sera d’une grande décision. J’espère que l’on y réussira, mais il seroit bien dangereux d’y échouer[1]. »

Les lettres que, durant celle même période, il adresse à Beauvilliers sont touchantes par la constante préoccupation de bien faire, par l’absence de toute arrière-pensée personnelle, par l’humilité dont il y fait preuve. On voudrait cependant y trouver quelques accens plus mâles, et surtout que la résignation à la volonté de Dieu n’y soit pas poussée jusqu’à une sorte de fatalisme. De courts extraits donneront idée, mieux que tout ce que nous pourrions dire, des sentimens qui l’animaient alors : « Il est certain que nous ne devons mettre notre confiance qu’en Dieu, et quoique notre situation paraisse assez bonne présentement, il peut, s’il veut, achever de nous accabler par un dernier coup, ou nous relever d’une manière qui ne vienne que de lui… Humilions-nous de plus en plus, recourons à Dieu, mettons-nous bien avec lui et tout ira bien… » « Je continue à vous remercier de vos prières et à vous les demander. J’ai lâché de me renouveler hier dans le service de Dieu (il écrit le lendemain de son jour de naissance) et, le remerciant de m’avoir fait chrétien, lui demander les grâces nécessaires pour être bon chrétien, suivant

  1. Dépôt de la Guerre, 2 082. Le Duc de Bourgogne au Roi et à Chamillart. 1er août 1708.