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présumante aussi que, dans le combat, on emploiera fréquemment les torpilleurs. L’Allemagne parait attacher beaucoup d’importance à l’action de ces bateaux, que l’amiral de Tirpilz a si longtemps commandés. Leurs manœuvres sont un sujet perpétuel d’études. On n’en veut plus construire que de trois cents et quelques tonnes, c’est-à-dire que de capables de naviguer au large et d’accompagner les escadres. Les types inférieurs, qu’on utilise encore pour la défense des rades, ne sont plus reproduits. Avec leur vitesse, leur armement en artillerie et en torpilles, leur admirable tenue à la mer, ce seront des adversaires dangereux.

Dans sa préparation à la guerre, si l’Allemagne montre beaucoup d’audace, elle fait preuve en même temps d’une prudence excessive et qui parfois paraît exagérée. Ne rien laisser au hasard et à l’imprévu est sa préoccupation constante. Aussi se défie-t-elle, outre mesure, des inventions nouvelles et se refuse-t-elle à les adopter avant que les nations voisines en aient l’ait elles-mêmes l’expérience. Il en a été ainsi pour les sous-marins qu’elle vient seulement d’essayer de construire et qu’elle sera la dernière à mettre en service. Ses bâtimens de guerre ne furent longtemps que des copies très serviles des bâtimens anglais ou français. Ce n’est que lorsqu’elle a été sûre d’elle-même qu’elle s’est permis des conceptions originales. Ce qu’elle fait maintenant avec les chaudières caractérise ses façons ordinaires d’agir. Quels que soient les avantages incontestables des chaudières multitubulaires et quelles que soient leurs qualités militaires reconnues de tous, elle n’a pas encore voulu en faire un usage exclusif, comme l’ont fait toutes les marines de guerre de l’Europe. Ses vaisseaux ont toujours une moitié de leurs chaudières qui sont cylindriques, c’est-à-dire de l’ancien système aujourd’hui abandonné. Si elles ne lui assurent pas tous les avantages qu’elle pourrait retirer des autres elles lui donnent plus de sécurité et c’est à cette sécurité qu’elle tient. Le fait est curieux à retenir. Il montre quel esprit préside à toute l’organisation allemande : très hardi, d’une part ; de l’autre, très circonspect.

Mais ce sont les hommes que l’Allemagne surtout s’est appliquée à former. Elle pense que, de tous les instrumens de guerre, ils sont encore les plus redoutables ; que, quelles que soient la puissance de l’artillerie et la résistance des cuirasses, c’est toujours de leur énergie et de leur force de caractère que