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cette famille architecturale à qui nous devons les kiosques à journaux, les rotondes découpées en tôle brune, les colonnes-speclacles, les boîtes à lettres lumineuses et autres objets d’art appliqué aux nécessités urbaines. Nous subirons aussi les trolleys…, en gémissant, mais nous les subirons. Aux conseillers municipaux qui le gourmandaient véhémentement pour les avoir laissés pénétrer à l’intérieur des fortifications, dans un parcours de quelques centaines de mètres, — sans parler d’une installation provisoire dans la rue du Quatre-Sept ombre, — le préfet de la Seine répondit que « bientôt, peut-être, on exigerait de lui d’autoriser partout » ces fils détestés. Cet avis prophétique ne se réalisera pas à la lettre ; mais la forcis des choses acculera l’administration et les représentans du peuple parisien à cette alternative : faire marcher les nouveaux tramways eux-mêmes, avec l’argent des contribuables, très chèrement ; ou permettre aux concessionnaires actuels, qui ont accepté à la légère des conditions ruineuses, de recourir, pour exécuter leur cahier des charges, à l’exploitation économique par trolleys.

Ces nouveaux tramways « de pénétration » sont le dernier épisode de la lutte néfaste engagée depuis longues années entre la Ville et la compagnie des Omnibus. Ils l’ont partie d’un plan ingénieux qui consistait, faute de pouvoir vaincre l’indolence de cette Compagnie privilégiée, à lui susciter des concurrens qui la ruineraient, en se ruinant eux-mêmes. Ni les honnêtes omnibus, longtemps attachés aux vieilles routines par lesquelles ils avaient prospéré ; ni les tramways imprudens, dont les actionnaires, sur la foi de quelques « enfleurs » d’affaires, engagèrent leurs fonds mal à propos, ne méritent un intérêt excessif. Ces derniers croyaient s’enrichir en introduisant, à bon marché, dans Paris les habitans de Fontenay-sous-Bois et de Noisy-le-Sec, du Raincy et de Villemomble, de Bonneuil, de Châtenay et de trente autres localités du département de la Seine, insuffisamment reliées jusqu’ici avec la capitale. A l’intérieur de Paris, ils espéraient bien aussi détourner, grâce à leurs bas tarifs de 0 fr. 10 et 0 fr. 15, le trafic des omnibus qui suivaient une voie parallèle. Les bénéfices semblaient si sûrs que la « Compagnie française de traction, » pour garder les tramways de pénétration, abandonna le Métropolitain, dont le succès lui semblait moins assuré.

L’événement déjoua ces calculs. Les frais, dans Paris, sont