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été en grande partie l’origine de la funeste législation de 1873.

Cette réserve faite, il faut reconnaître que le sénatus-consulte de 1863 était une œuvre logique, dont l’exécution normale devait procurer de notables avantages, et que les procédés pratiques de reconnaissance du terrain et de surveillance des opérations étaient simples et bien combinées. La délimitation des tribus et douars fut poussée avec activité de 1863 à 1871, et la moitié du territoire environ avait été reconnue, lorsque l’insurrection vint interrompre ce travail.

La promulgation du sénatus-consulte de 1863 avait soulevé une vive indignation en Algérie parmi les colons ; aussi, dès la fin de l’insurrection de 1871, la députation algérienne entreprit-elle de modifier le régime de la propriété indigène. Reprenant l’opinion de la minorité de la commission du Sénat de l’Empire, elle pensa qu’il était possible d’arriver à constituer directement la propriété individuelle, sans passer par l’intermédiaire des délimitations des tribus et des douars, et d’abréger ainsi le délai au bout duquel les colons pourraient acheter leurs terres aux indigènes. Telle est l’origine de la loi de 1873 sur la constitution de la propriété indigène, dont on étudiera plus loin les effets. L’attente générale fut encore une fois déçue, l’exécution de la loi de 1873 était si onéreuse pour l’Etat qu’on n’y procédait qu’avec une certaine lenteur, de sorte que, dès 1888, on devait revenir aux procédés trop dédaignés du sénatus-consulte de 1863 et en continuer l’application, qui s’est poursuivie depuis lors, tandis qu’on a renoncé aux opérations de la loi de 1873.

C’est l’exécution de cette loi qui a mis définitivement en lumière le régime de la propriété indigène, tant dans le Tell que sur les hauts plateaux, et démontré la part considérable d’erreurs et d’illusions contenues dans la pensée de ses auteurs. Si l’on se reporte aux discussions de l’Assemblée nationale, on voit apparaître, indépendamment de l’intention de favoriser la colonisation, le désir d’améliorer la culture arabe par la possibilité d’une mise en circulation plus parfaite de la terre, et celui de soustraire les indigènes à certaines influences féodales. C’est une lourde responsabilité que de prétendre transformer les habitudes familiales et économiques de tout un peuple sans une transition suffisante, et de vouloir lui faire franchir en quelques années la durée de plusieurs siècles ; en effet, si l’on supposait achevée l’œuvre de la loi de 1873, l’indigène jouirait d’une