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créer une monnaie nouvelle, mais à conserver notre piastre, déjà acclimatée dans le pays.

D’une façon générale, les effets qui résultent du passage de l’étalon d’argent à l’étalon d’or ont été décrits d’une façon saisissante dans le rapport que le comte Matsukata Masayoshi a écrit sur l’adoption de l’étalon d’or dans son pays. Le Japon qui, en fait, était un pays à étalon d’argent, a reconnu rapidement les inconvéniens des fluctuations des changes étrangers. « Nous désespérions de plus en plus, dit l’ancien ministre des Finances, de voir le commerce intérieur et extérieur se développer d’une façon suivie : le commerce avec l’étranger, en particulier, devenait de plus en plus un objet de spéculation monétaire. » Plus loin, il énumère les effets de la baisse de l’argent sur le prix des marchandises même à l’intérieur : « La dépréciation de l’argent augmentait chaque jour, et il semblait qu’il n’y eût plus de limite à ses fluctuations. En conséquence, les prix des marchandises ne cessaient de monter au Japon ; les dépenses de l’Etat augmentaient ; en un mot, une perturbation générale se produisait dans l’économie nationale. » Une fois la réforme exécutée, le comte Matsukata en constate les bons effets : « Les rapports entre créancier et débiteur sont moins sujets à des change mens brusques et imprévus ; les a flaires ont été rendues sûres ; d’une façon générale, le crédit s’est amélioré ; les prix sont devenus plus stables ; la voie a été ouverte à un développement régulier et ordonné du commerce et de l’industrie. Les variations des prix ont été déterminées par des raisons naturelles, abondance ou rareté des récoltes, etc., et bien plus modérées que dans les années antérieures. »

D’autre part, les capitalistes des pays à étalon d’or manifestent plus de disposition à envoyer leurs capitaux au Japon. Le pays se félicite de la clairvoyance et du courage de ses hommes d’Etat, qui ont su procéder à la réforme à une époque où l’argent avait encore une valeur très supérieure à celle à laquelle il est descendu aujourd’hui. On a prétendu que la crise que le Japon a traversée était due à l’adoption de l’étalon d’or : rien n’est plus faux. Le pays s’est lancé, à la suite de deux campagnes victorieuses contre la Chine, dans une foule d’entreprises ; il a marché peut-être trop vite dans la voie des travaux publics et des arméniens ; mais il aurait beaucoup plus souffert de cette expansion soudaine, s’il n’avait pu, grâce à l’étalon d’or et à la