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qu’on prenne quelques précautions pour s’assurer que ces deux volontés se mettront d’accord sur le nom d’un évêque, au lieu d’entrer en conflit. Le Pape pouvant toujours refuser l’institution canonique, il paraît prudent de faire de son côté quelque reconnaissance pour savoir s’il l’accordera ou non. À s’en abstenir totalement, on s’expose à quelques embarras ultérieurs.

Lors même qu’on a un droit absolu, il est dangereux d’en user dans un esprit absolu : on ne le fait que lorsqu’on veut aboutir à un choc et à une rupture. Nous comprendrions qu’on provoquât un conflit, s’il y avait de la part du Vatican une mauvaise volonté évidente, constante, depuis longtemps soutenue ; mais en est-il ainsi ? En le laissant entendre, M. Combes s’est moqué du monde. Il a commis l’inconvenance d’apporter et de lire à la tribune la liste des candidats au sujet desquels le Saint-Siège avait été pressenti et qu’il avait rejetés, et il a fait un grand éloge de ces ecclésiastiques. Nous sommes convaincus qu’ils sont, en effet, dignes de respect ; mais M. Combes, en publiant leurs noms, leur a infligé une pénible épreuve. Cependant qu’a-t-il voulu démontrer ? Que les candidatures qu’il a mises en cause ne devaient soulever aucune objection de la part du Saint-Siège ? Qu’en sait-il, et qu’en pouvait savoir le Sénat ? Est-ce que le gouvernement, est-ce qu’une assemblée parlementaire sont juges de la solidité de doctrine d’un prêtre, de son aptitude à gouverner les âmes, et même, dans une assez large mesure, de sa capacité à administrer un diocèse ? M. Combes a certainement contristé ceux dont il a livré les noms à la curiosité, peut-être à la malignité publique, sans fournir contre Rome une objection sérieuse. En tous cas, il aurait fallu connaître la contre-partie de ses indiscrétions ; mais nous ne la connaîtrons jamais, car il faudrait pour cela une autre indiscrétion, venant de Rome cette fois, et on ne l’y commettra pas. Combien de candidats ont-ils été acceptés par le Pape un peu à son corps défendant et sur les insistances du gouvernement français ! Si le Vatican n’a pas toujours cédé, il l’a fait souvent. Combien de fois, par esprit de transaction et de conciliation, a-t-il finalement agréé des candidats qui ne lui plaisaient guère et qu’assurément il n’aurait pas choisis spontanément. Nous ne pouvons juger que ce que nous voyons. Est-ce que le gouvernement de la République a le droit de se plaindre du corps épiscopal actuel ? M. Combes peut le soutenir tant qu’il voudra, il ne parviendra pas à nous le faire croire. Jamais les évêques, pris dans leur ensemble, n’ont été plus respectueux du gouvernement, ni plus soumis aux lois de l’État : on leur reproche même quelquefois de l’être