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avant la séparation, faire quelque chose d’éclatant et, dit Saint-Frémond dans une lettre à Chamillart, « hasarder de faire tuer ou blesser quinze cents hommes. » Il fallut que le Duc de Bourgogne s’y opposât, et ce fut heureux, car Vendôme lui-même dut convenir « que Mgr le Duc de Bourgogne avoit raison, et que luy-mesme, de son costé, à teste reposée sur son chevet, avoit connu que ce projet estoit très difficile et mesme impraticable[1]. » Il aurait bien voulu également demeurer en Flandre et conserver seul le coin mandement des troupes qui, dans le projet de séparation de l’armée, devaient demeurer affectées à la défense de Gand et de Bruges. Mais le Duc de Bourgogne s’y opposait également, et avec insistance. « Il me paroist, écrivait-il à Chamillart, que M. De Vendosme se dispose à demeurer quelque temps ici après moy. Vous sçavez ce que je vous en ay dit quand vous vîntes ici la première fois. Il est plus piqué que jamais, et par conséquent plus à craindre. Aussy, le plus tôt qu’il pourra quitter cecy sera le mieux, car j’appréhende toujours qu’il ne roulast quelque chose directement sur luy. » Quelques jours après, il revenait encore sur ses craintes. « Vous sçavez ce que je vous ay dit, et je vous le repette qu’il est dangereux que les affaires de l’Etat roulent sur luy. Il est piqué de notre dernier inconvénient, et, avec bonne intention, il pourroit engager des affaires et faire durer la guerre tout l’hyver. C’est au Roy de voir s’il ne seroit pas mieux qu’après avoir visité cette frontière, et les postes les plus jalousés, il le fît revenir peu de jours après moy[2]. » Le Roi partageait le sentiment de son petit-fils, et il adressait à Vendôme l’ordre formel de se rendre auprès de lui, « ne convenant point, ajoutait-il, que vous passiez présentement à Gand[3]. » Délivré de cette dernière inquiétude le Duc de Bourgogne pouvait partir, et le 8 décembre, après quelques jours passés à Douai, puis à Arras, à visiter les postes de la frontière, il prenait la route de Versailles. Ce même jour, Boufflers rendait la citadelle de Lille.

  1. Dépôt de la Guerre, 2 084. Saint-Frémond à Chamillart, 3 déc. 1708.
  2. Ibid., 2 084. Le Duc de Bourgogne à Chamillart, 4 et 5 décembre 1708.
  3. Ibid., 2 084. Le Roi à Vendôme, 7 décembre 1708.