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la région centrale dont le commerce aboutit à cette ville, mais à l’Est, la Kabylie forme un massif fermé, limité par ses hautes montagnes, habité par une race spéciale, qui diffère singulièrement par ses mœurs et ses lois des populations voisines. Elle constituerait une circonscription administrative très bien délimitée. A l’Ouest, l’arrondissement d’Orléansville présente déjà l’aspect et les mœurs de la province d’Oran, et les environs de l’Ouarsénis ont bien plus de relations avec la ligne de pénétration partie de Mostaganem pour aboutir à Tiaret, qu’avec Alger, distant de plus de cinquante lieues. Les départemens actuels n’ont, on le voit, aucune raison d’être au-point de vue économique ou géographique. Leur existence ne se défend pas plus d’ailleurs par des considérations administratives. Chacune des régions qui les compose a ses intérêts distincts, souvent même opposés, et les préfets, en favorisant les ans, nuisent fatalement aux autres. A mesure que le territoire civil s’étendait, on augmentait le nombre des sous-préfectures et ce n’était pas là la moindre des fautes, car on a créé ainsi des rouages intermédiaires dont les avantages sont discutables et les inconvéniens certains. Pour la plupart des affaires, le sous-préfet n’a pas de pouvoir de décision propre ; il donne simplement un avis et la préfecture décide ; la lenteur inhérente aux administrations algériennes accentue singulièrement les inconvéniens d’un pareil mode de transmission, et c’est la plupart du temps par une perte de quelques semaines que se traduit l’action de cet organisme secondaire. En y comprenant les trois circonscriptions chefs-lieux, l’Algérie se divise aujourd’hui en dix-sept arrondissemens, dont quelques-uns tels que ceux de Médéa, Miliana, Tlemcen, Bel-Abbès, Guelma, Philippeville et Batna n’ont pas beaucoup de raisons de subsister. Si l’on supprimait les arrondissemens et les départemens actuels et que l’on établît une nouvelle division territoriale partageant la colonie en neuf ou dix grandes circonscriptions, on réaliserait une amélioration des plus importantes[1] ; économie de temps, de personnel et d’argent, meilleure

  1. Au commencement de 1902, ont paru des arrêtés du gouverneur général réformant l’organisation des préfectures et des sous-préfectures.
    La réforme opérée timidement et « à titre d’essai » se résume ainsi : les sous-préfectures sont supprimées, en tant que rouage indispensable à l’expédition des affaires, et leurs attributions sont conférées aux préfectures. Les sous-préfets sont maintenus, mais ils deviennent des agens de surveillance, chargés d’une sorte d’inspection permanente dans leur arrondissement. A titre provisoire, le personnel des sous-préfectures est conservé, pour être utilisé soit sur place, soit dans la préfecture.
    Cette modification, qui contient une idée juste, prouve une singulière méconnaissance des nécessités pratiques : on se décide enfin à reconnaître l’inutilité du double rouage, et, en ce temps de décentralisation, c’est précisément par concentration qu’on opère, on accumule sur un même point la solution de toutes les questions, alors que les bureaux des préfectures algériennes, le fait est notoire, peuvent être cités comme des modèles de laisser aller, de lenteur et de désordre. On veut des simplifications, mais ces simplifications n’amènent aucune réduction de personnel. La seule idée juste que contiennent ces arrêtés est de faire inspecter les communes du département. Elle n’est d’ailleurs pas neuve, car, dans l’organisation qu’on vient de modifier les sous-préfets devaient faire des tournées doris leur circonscription, et les préfets avaient le droit d’envoyer les conseillers de préfecture en mission dans tout le département.