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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/899

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orientale et de laisser aller. Aucune cohésion dans les services, aucun lien entre des hommes qui devraient coopérer à une tache commune ; ce personnel, composé des élémens les plus disparates où se coudoient des hommes de valeur, des bureaucrates sans portée d’esprit ou des déclassés d’origines diverses, manque d’une direction suivie. Deux bureaux voisins envoient en même temps des ordres contradictoires et on ne s’en aperçoit que quand les autorités subalternes signalent ces incohérences. Comment pourrait-il en être autrement, si le chef des bureaux, le secrétaire du gouvernement est la plupart du temps choisi dans le personnel préfectoral de la métropole ? Etranger aux questions coloniales, submergé dès son arrivée par le nombre considérable d’affaires dont la solution lui est remise, il se trouve à la merci de ses bureaux et entraîné dans un courant qu’il ne peut réussir à remonter. La création d’un secrétariat général pour les affaires indigènes n’est qu’un palliatif insuffisant.


V

Si pour les Européens le fonctionnement de la justice civile et criminelle en Algérie est théoriquement le même qu’en France, on n’oserait affirmer que la pratique ne diffère pas de la théorie, car la condition du juge algérien diffère beaucoup de celle de son collègue français. Les chefs de la Cour d’Alger n’ont cessé de réclamer l’inamovibilité pour la magistrature algérienne, et l’on peut s’étonner, si l’on considère ce privilège comme une garantie de l’indépendance et de l’impartialité du juge, qu’elle n’ait pas été depuis longtemps conférée dans la colonie, où, plus que partout ailleurs, elle eût été nécessaire. Certes, il existe en Algérie de nombreux magistrats que dirige seule leur conscience et qui gardent une opinion très haute de leur mission ; mais auprès d’eux, — ils sont les premiers à en souffrir et à s’en plaindre, — combien de personnalités douteuses ! Ce n’est point à quelques-uns de ces magistrats, c’est à leurs successeurs qu’on devra conférer l’inamovibilité.

Le recrutement des juges de paix est une question des plus délicates ; l’étendue de leur circonscription, dans laquelle ils remplissent fréquemment les fonctions de juges d’instruction, les oblige, en effet, à de longs et pénibles déplacemens qui réclament un tempérament jeune et vigoureux. D’autre part, l’importance,