Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/905

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satisfaction aux colons qui ne seraient plus appelés à faire partie du jury que tous les huit ou neuf ans, et pour juger seulement des Européens ; d’assurer une répression plus prompte et de diminuer notablement les frais de justice criminelle : en effet les déplacemens de témoins seraient moins longs et moins considérables, et on éviterait les dépenses de transfèrement des accusés au chef-lieu judiciaire.

La question de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires a toujours passionné l’opinion ; c’est même parce que l’on a envisagé sous cet aspect le code de l’indigénat qu’il a paru monstrueux à certains membres du Parlement. Il faut cependant étudier les choses de plus près, et se décider, non par des considérations de sentiment, ou d’après des principes appliqués en France, mais par des raisons tirées de la nature et des mœurs du pays. On ne saurait trop répéter que la répression immédiate est indispensable en terre indigène et que le prestige de l’autorité française dépend en grande partie de l’étendue de ses pouvoirs. Ce n’est que dans ces dernières années que certains membres du Parlement, jugeant à distance des choses de l’Algérie et prêtant aux indigènes des vertus imaginaires et un degré de civilisation qui ne se rencontre que chez quelques personnalités remarquables, ont trouvé subitement intolérable le régime disciplinaire de l’indigénat, qui a rendu de si grands services et en rendrait encore s’il était mieux organisé et pratiqué. Ce code, puisqu’on la ainsi nommé, réprime, à côté de contraventions légères, des faits n’ayant aucun caractère délictueux, tels que les fausses déclarations en matière d’impôts, et les plaintes non justifiées adressées aux autorités administratives.

Ce qui a provoqué en France de nombreuses récriminations contre le régime de l’indigénat, c’est moins sa sévérité, que la manière dont il est appliqué ; ici encore il y a une illusion d’optique. On ne saurait trop le redire : en matière de contravention légère, la justice à l’égard des indigènes doit être expéditive, mais ce qu’on doit rigoureusement exiger, c’est qu’elle soit impartiale. Il faut d’ailleurs reconnaître que certains administrateurs ne se donnaient autrefois aucune peint ; pour démêler le vrai du faux ; qu’ils punissaient sans discernement ni impartialité. De semblables erreurs sont imputables non au principe même de la loi, mais à ceux qui l’appliquent ; et elles se produiront