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Jamais ne fut conclu marché plus heureux ni plus approprié aux vues de l’acquéreur. La Villa Médicis est un lieu véritablement divin. On ne saurait errer sous ses pins parasols, au long de ses buis rectilignes, dont les vertes niches recèlent des statues, à l’ombre de ses chênes, tout mélodieux de chants d’oiseaux, au bord de ses terrasses dessinant leurs balustres de marbre sur d’incomparables horizons, sans évoquer les Champs Elyséens des poètes antiques. Et pourtant aucune mollesse n’émane des choses. Ici ne fleurit pas une grâce insidieuse et trop douce, capable d’assoupir lame, d’énerver la volonté. Le site, les lignes, les souvenirs, la solitude respirent une énergie héroïque, une gravité presque austère. La pensée humaine, l’effort humain sont partout. Et la paix merveilleuse de ces retraites incite aux méditations, à la recherche de la personnalité, et non pas à l’abandon de soi dans le rêve nonchalant ou la contemplation stérile. La beauté de cette demeure est vraiment en ce sens une beauté éducatrice.

Dressée sur le Mont Pincio, elle contemple sans cesse le spectacle le plus stimulant du monde pour la curiosité de l’intelligence, l’ardeur de l’action, et l’essor du génie. Celle houle rougeâtre d’édifices sur laquelle émergent, immobiles vaisseaux, les dômes chrétiens, — et le plus sanctifié, le plus imposant, le plus gigantesque, celui de Saint-Pierre, — cet océan dont les profondeurs gardent comme épaves les débris du plus colossal empire, et dont les flots soulèvent jusqu’au ciel éclatant la plus formidable souveraineté religieuse : c’est la ville unique entre toutes pour inspirer à de jeunes hommes le besoin de savoir et le besoin de se manifester dans une œuvre.

Que si, parfois, dominé jusqu’à l’oppression par la grandeur farouche du panorama de Rome, l’artiste qui se cherche et qui doute, s’arrête sur l’esplanade, parmi les parterres à l’italienne sertis dans l’ourlet rigide et velouté des buis, s’il laisse intercepter son regard par la maison elle-même, une leçon plus explicite et plus restreinte, mais non moins hautaine, se dégage pour lui de la caractéristique façade. Héritage des Médicis, dont le nom laisse à ces murs un prestige fait précisément d’ardeur audacieuse et de ce goût sûr, volontaire et magnifique, qui est encore un effet des fortes déterminations individuelles, cette construction robuste et charmante exalte en plein azur les qualités qui firent de la Renaissance une époque d’admirable