Cela encore a nui un peu à la prosopopée de l’oncle de bronze. N’importe, s’est écrié M. Brisson, « il reste acquis » que vous ne m’avez pas transmis la lettre. Comment M. Cavaignac aurait-il pu la transmettre, puisqu’il ne l’avait jamais eue ? Nous n’avons pas à prendre ici sa défense, et si nous le faisions, ce ne serait pas sans réserves. M. Cavaignac a commis des fautes comme les autres, comme tout le monde, dans cette affaire dont M. Jaurès seul a su tirer profit. Mais, en vérité, sur le point spécial où on l’a attaqué, il s’est défendu avec avantage : il ne reste rien contre lui de l’accusation de M. Brisson d’avoir soustrait à la connaissance du gouvernement une pièce qui pouvait contribuer à l’éclairer.
Que s’était-il donc passé ? Lorsque le faux Henry a été découvert, le général de Pellieux, qui avait cru fermement à l’authenticité de la pièce et qui avait commis l’imprudence de s’en servir devant un tribunal, le général de Pellieux, dont la bonne foi avait été entière, a éprouvé un trouble profond. Il n’a pas été le seul dans ce cas. En présence de cette lumière subite, un doute est entré dans tous les esprits. Le doute du général de Pellieux s’est porté sur ses subordonnés, sur ses chefs, peut-être bien sur lui-même : il a écrit au ministre de la Guerre pour demander d’être mis à la retraite. Mais sa lettre n’a pas été envoyée directement au ministre ; elle a suivi la voie hiérarchique et est venue par-là entre les mains du général Zurlinden, gouverneur de Paris. Ici nous laissons la parole à ce dernier : personne ne l’a soupçonné de s’en être jamais servi pour dire autre chose que la vérité. Voici ce qu’il expose dans une lettre qu’il a écrite à M. Cavaignac : « Je fis venir le général de Pellieux. Il était très surexcité, très énervé à l’idée qu’on pourrait l’accuser d’avoir cité trop légèrement une pièce fausse au procès Zola ; douloureusement préoccupé surtout de la pensée que ses enfans pourraient un jour lui reprocher de n’avoir pas assez défendu l’honneur de leur nom. J’essayai de le calmer, de lui demander des explications ; mais je ne pus rien en obtenir ; et je restai convaincu, — je le suis encore aujourd’hui, — que le général de Pellieux avait cédé ce jour-là à un premier mouvement de colère et de révolte bien compréhensibles, et qu’il était de mon devoir d’attendre que le calme se fût fait dans l’esprit de cet excellent officier, qu’il importait d’essayer de maintenir dans l’armée. Je conclus en lui disant que je désirais lui donner le temps de réfléchir avant de transmettre sa demande ; que je garderais sa lettre pendant deux ou trois jours, et qu’ensuite je la lui renverrais par le général Borius afin qu’il puisse agir à tête reposée… M. le général Borius est mort ; le général de