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Enfin, le 8 février 1864, devant un public qui ne cachait pas son anxiété, la Cour, par l’organe du lord chancelier, prononça son jugement ; elle déclarait que les formulaires et les Articles de l’Église n’empêchaient ni de soutenir que certaines parties de la Bible n’avaient pas été écrites sous l’inspiration de l’Esprit saint, ni d’espérer que le châtiment des méchans ne serait pas éternel. Par ces raisons, elle acquittait les deux accusés et condamnait leurs dénonciateurs aux dépens. Le chancelier fit connaître que, sur la question de l’inspiration, les deux archevêques avaient été en désaccord avec la majorité ; Tait, au contraire, avait voté, sur tous les points, avec les quatre légistes.

Du camp Broad church, s’éleva un cri de triomphe. Il semblait que ce fût une libération de l’esprit religieux, jusqu’alors enchaîné. Toutes les hardiesses, toutes les témérités se sentaient désormais tolérées, encouragées. Stanley, qui venait, par la faveur de la Reine, d’être nommé doyen de Westminster, poste considérable, lucratif et exempt de la juridiction épiscopale, ne put contenir sa joie. « Désormais, écrivait-il, il est fixé pour toujours que l’Église d’Angleterre n’admet ni l’inspiration verbale de l’Écriture, ni l’imputation des mérites, ni l’éternité des peines. J’espère que tout ira maintenant facilement et qu’on pourra lire réellement la Bible sans ces épouvantables cauchemars. Dieu en soit remercié ![1] » Et cette libération, Stanley la devait à la suprématie de l’État : n’était-ce pas la justification d’une de ses plus chères idées ?

En revanche, dans le camp opposé, qui renfermait la masse du clergé, c’était la désolation, la colère, l’effroi. Pusey qualifiait le jugement de « misérable, soul-destroying judgment. » À entendre les journaux religieux, « jamais l’Église n’avait couru un aussi grand danger. » Le Guardian disait : « Il n’y a pas longtemps, un des nôtres, en nous quittant pour chercher, prétendait-il, une foi plus pure et une discipline plus exacte, nous jeta à la face les noms de maison de confusion et de cité de destruction. Ces noms nous conviendront désormais, si notre silence peut passer pour l’acceptation d’un intolérable jugement. » High church et Low church continuaient à marcher pleinement d’accord. Pusey proclamait cette union, échangeait des lettres d’entente cordiale avec lord Shaftesbury, et c’était au Record, organe de

  1. Life of Stanley, t. II, p. 44.