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et il ne voyait d’autre solution que de renoncer à tout procès théologique, à tout jugement en matière religieuse[1] : singulière conclusion de la part d’un homme qui tenait au High church et non au Broad church ; aveu significatif qu’il ne pouvait y avoir d’autorité doctrinale dans son Église. Depuis, les années ont passé, sans avancer la solution du problème, et l’on en est encore aujourd’hui à chercher une organisation satisfaisante du tribunal d’appel en matière religieuse[2].

Telle qu’elle venait de se manifester dans cette crise, l’Église anglicane faisait la partie belle aux catholiques. Les faiblesses dont elle avait fait preuve étaient précisément celles auxquelles l’Église de Rome était le mieux en mesure d’apporter un remède efficace. Plus d’un churchman en avait conscience et s’en inquiétait. Wilberforce montrait « les plus fidèles membres de l’Église ayant reçu un coup qui pouvait en pousser un grand nombre sur le chemin de Rome[3]. » Pusey, dans ses lettres privées comme dans ses écrits publics, se disait toujours préoccupé des âmes qui, sous l’impression des derniers événemens étaient tentées de « chercher un refuge dans l’Église romaine, » et il signalait à Tait que « le docteur Manning se servait avec succès » de ces événemens, pour les attirer[4].

Manning, en effet, était trop avisé pour ne pas comprendre quel avantage donnait à sa cause tout ce qui venait de se passer. En 1864, il publia, à quelques mois de distance, deux « lettres à un ami[5] » où, prenant acte des récens jugemens du Conseil privé, il insistait avec force sur la situation intenable de l’anglicanisme, sur son impuissance à se dégager de l’hérésie et sur sa subordination à l’État. C’était d’une main ferme et implacable qu’il mettait la plaie à nu :

Nous sommes arrivés à un moment, disait-il, où nous pouvons reconnaître et passer en revue les années qui se sont écoulées depuis que nous avons quitté l’Église d’Angleterre. Dans ces treize années, une foule

  1. Dean Church’s Occasional papers, t. II, p. 21 et 32.
  2. Au mois de février dernier, lord Hugh Cecil présentait, sur ce sujet, à la Chambre basse de la Convocation de la province de Canterbury, un projet de réforme qui rencontrait du reste plus de critiques que d’adhésions.
  3. Life of Wilberforce, t. III, p. 110.
  4. Life of Tait, t. II, p. 337, 338.
  5. La première de ces lettres était intitulée : The Crown in Council and the Essays and Reviews, la seconde : The Convocation and the Crown in Council. Toutes deux sont reproduites dans le volume que Manning a publié, en 1867, sous ce titre : England and Christendom.