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conservation de cette délimitation, et même parfois on a négligé de s’assurer que les concessionnaires occupaient réellement les lots qui leur avaient été concédés, de telle sorte qu’on a vu, dans certains centres, occuper par des particuliers des lots réservés aux colons, attribuer plusieurs fois les mêmes lots à différentes personnes, etc. Tous ces inconvéniens sont grandement aggravés par l’impossibilité où l’on se trouve, la plupart du temps, faute de cadastre, de mentionner dans les actes de transmission entre vifs les numéros du plan cadastral qui, à défaut d’autres indications, constituent un premier élément de recherche.

Ce n’est pas seulement la sécurité juridique qui importe à la colonisation ; c’est surtout la sécurité matérielle, et, à ce point de vue, il reste beaucoup à faire. L’effectif de la gendarmerie est très au-dessous des besoins réels ; tandis qu’en France, on compte en moyenne une brigade par 5 000 habitans, en Algérie, la proportion est trois fois plus faible, et, si l’on songe que la population y est beaucoup plus clairsemée, il est facile de juger de l’insuffisance de la surveillance[1]. En outre, la gendarmerie ne peut guère, en Algérie, compter sur la police, qui n’existe pour ainsi dire pas. Dans les villes, elle est insuffisante, et, dans la main de certains maires, elle néglige parfois sa véritable mission pour s’occuper d’intérêts privés peu respectables. Dans les petites communes, elle se réduit au garde champêtre ; enfin, dans les douars et tribus, elle est nulle. Un des derniers gouverneurs généraux avait pensé qu’en renforçant la police en territoire indigène, on assurerait la sécurité ; c’était bien peu connaître le pays ; en effet, si la police était faite en ces territoires par des Européens, la défiance de la population devait les tenir à l’écart et les empêcher de pénétrer ses sentimens ; si elle était abandonnée à des Arabes ou Kabyles, leurs habitudes proverbiales de mensonge à l’égard des Européens devait rendre leur collaboration très suspecte. Une seule personne, en territoire indigène, peut exercer une surveillance efficace, c’est le chef, et encore à la condition qu’il ait un commandement assez étendu pour posséder une réelle autorité ; or, notre politique en Algérie a consisté à restreindre sans cesse les pouvoirs des chefs indigènes, par crainte des grands commandemens dont les inconvéniens étaient apparus après les événemens de 1871, à morceler le

  1. La seule brigade de Teniet et Haad exerce sa surveillance sur une superficie de 290 000 hectares.