Le retard apporté à toute modification rationnelle des institutions algériennes ne se constate nulle part mieux que dans les questions militaires. Soit que l’administration de la Guerre ne se résigne que très péniblement aux réformes, soit qu’elle ait été mise dans l’impossibilité de les réaliser, notre état militaire dans le Nord de l’Afrique est des plus, défectueux. Tous les généraux qui ont commandé en Algérie y réclament un minimum de 70 000 hommes en temps de guerre, et notre extension en Tunisie ne peut qu’augmenter encore ce chiffre ; cependant l’effectif des troupes du temps de paix dans nos deux colonies n’atteint pas 60 000 hommes, et celui des réserves mobilisables ne comblerait pas la différence, tant en raison des non-valeurs qui se révéleraient dès le début des opérations que de la nécessité où l’on se trouverait, en cas d’attaque par une puissance européenne, de prendre ses sûretés contre une insurrection des populations indigènes.
Si l’on veut être prêt à une résistance sérieuse en Algérie, il faut que, dès le temps de paix, tout soit organisé de telle façon que la colonie se suffise à elle-même, sans compter sur une aide quelconque de la métropole, dont les forces maritimes et militaires peuvent être momentanément paralysées. On y a bien créé notre système de réserve et d’armée territoriale, mais il ne s’étend pas aux indigènes, qui cependant pourraient fournir un sérieux appoint : chaque année, en effet, un millier environ de tirailleurs est libéré du service et rentre dans ses foyers ; il y a là le noyau d’une réserve qui pourrait atteindre une vingtaine de mille hommes, car la sobriété, la force de résistance et l’esprit guerrier des indigènes de nos régimens de tirailleurs permettent de les rappeler sous les drapeaux jusqu’à un âge avancé. Il suffirait de réserver aux hommes libérés après une certaine durée de service quelques emplois subalternes dans l’administration, ou de leur accorder de légères immunités, mesures dont l’effet moral serait très sensible, pour doubler l’effectif de cette admirable troupe que constituent les tirailleurs, dont l’élan est irrésistible et ne doit être utilisé que quand il s’agit de donner à fond et en masse.
Non moins capitale est la nécessité d’organiser dès le temps de paix sous un commandement européen des escadrons de