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pénétrer dans l’Algérie, qui forme le cœur de notre puissance, il faudrait traverser, par une marche de 2 à 300 kilomètres, de vastes plaines offrant peu de ressources, avant d’arriver jusqu’à Tébessa, dont la possession permet de manœuvrer à volonté au nord ou au sud des montagnes de l’Aurès. Cependant, si invraisemblable que soit une pareille entreprise, la construction récente de la ligne de Sfax aux carrières de phosphates des environs de Gafsa rend possible la marche d’un corps d’invasion dans cette direction. Il devient donc nécessaire que Tébessa, dont l’importance est capitale, soit relié avec le reste de l’Algérie, non plus par une seule voie ferrée d’un profil accidenté et d’une exploitation difficile, mais par une voie se dirigeant directement sur Constantine ; cette nouvelle ligne existe déjà jusqu’à Aïn-Beïda ; il suffit de la prolonger de 80 kilomètres environ pour atteindre le but.

Au nord de la Tunisie, la ville de Tunis et l’établissement militaire de Bizerte peuvent être l’objectif d’une autre tentative de débarquement ; le sort de ces deux points dépend uniquement de la rapidité des moyens de transport et de la solidité des défenses qui protégeront notre futur arsenal maritime.

Dans la province de Constantine, deux grands cours d’eau aboutissant près de bons ports, tracent des routes naturelles à l’invasion. Ce sont la Seybouse et l’Oued-Sahel. La première de ces deux rivières, qui vient se jeter dans la mer sous les murs de Bône, coule dans une vallée large, fertile et assez salubre ; une marche de 60 kilomètres dans cette vallée conduirait l’envahisseur à l’important nœud de chemins de fer de Duvivier. A l’autre extrémité de la province de Constantine, vers l’Ouest, la situation présente une analogie frappante : l’Oued-Sahel, sorti des contreforts du Djurjura, descend, à travers le territoire des Béni Mansour, au fond d’une riche vallée de plus en plus large jusqu’à la mer, dans laquelle il vient se perdre au pied des hautes murailles et des rochers escarpés de Bougie. Nulle route d’invasion mieux tracée pour conduire d’une rade admirable et sûre à un autre nœud des chemins de fer[1]. Si, en occupant Duvivier, l’ennemi sépare la Tunisie de l’Algérie, en s’établissant à Béni-Mansour, il coupe en deux nos possessions, laissant à sa droite les provinces d’Alger et d’Oran, à sa gauche la Tunisie et la

  1. 84 kilomètres de Bougie à Beni-Mansour.