la proscription seulement dans le passé, point du tout dans le présent. La graine des proscrits ne prospère que lorsqu’elle date du Deux-Décembre ; c’était, paraît-il, la bonne année ; depuis, il n’en est plus de même, et aujourd’hui, en particulier, il en est tout autrement. La pensée de M. Loubet doit donc être rétablie de la manière suivante : — La proscription est condamnable de la part de l’Empire, mais non pas de la nôtre, car, si les résultats sont d’ailleurs les mêmes, nous avons du moins la supériorité de procéder légalement. — On assure que M. Loubet n’a pas désavoué cette interprétation de sa pensée, et qu’il l’a même adoptée dans un discours ultérieur. Que l’on procède toujours légalement aujourd’hui, les tribunaux auront à apprécier ; nous avons, à cet égard, des doutes sérieux ; mais, pour ce qui est des proscrits eux-mêmes, la question de savoir comment ils le sont devenus n’a qu’un intérêt très secondaire. Il y a des choses que la forme qu’on y met ne justifie pas. On a fait des lois pour rejeter certaines catégories de Français en dehors du droit commun. Ce sont des lois, nous le voulons bien, mais les Français qu’elles frappent n’en sont pas moins traités comme des parias. Aussi cherchons-nous en vain, au point de vue des conséquences, quelle différence il y a entre l’Empire et la République actuelle. Encore l’Empire était-il à ses débuts, ou même à l’état de préparation, lorsqu’ont été commis les actes violens qui continuent de peser sur sa mémoire, et il est allé de plus en plus en s’humanisant, tandis que la République a aujourd’hui trente ans et plus d’existence : c’est en pleine maturité et en pleine victoire qu’elle devient persécutrice. Nous ne faisons ici aucune allusion à M. Loubet, Dieu nous en garde ! mais il y a des gens qui ont tout l’air de ne pas s’en apercevoir. Parce que la République est le gouvernement légal du pays, ils jugent que tout lui est permis, et que ce qui était un crime de la part des autres n’est pas même de la sienne un péché véniel. Ils continuent de parler par habitude et machinalement comme ils le faisaient jadis, dénonçant les infamies des régimes déchus, leurs dilapidations, leurs proscriptions, sans se douter que ces paroles sévères s’appliquent merveilleusement à tout ce qu’ils font eux-mêmes aujourd’hui. Quand on le leur fait remarquer, ils s’écrient tout étonnés : « Ah ! nous, c’est autre chose ! » mais ils négligent d’expliquer pourquoi, et leurs victimes ne parviennent pas à le comprendre.
Nous regrettons de laisser M. le Président de la République en Algérie, où il s’exprime si bien, obligés que nous sommes de revenir en France. Là, M. Combes exécute les lois dans toute leur rigueur.