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votre régiment reviendrait à la fin d’août et que cela reportait votre retour à Paris à la fin d’octobre. Le lendemain, la Reine voulut bien me dire que le rappel du régiment serait plus rapproché…


Paris, 16 juillet 1841.

Votre lettre du 5 juillet m’a fait un double plaisir, mon cher Prince, car j’y ai vu une preuve de votre rétablissement complet, et un nouveau témoignage de votre amitié pour moi. Je vous en remercie de tout mon cœur ; mais ce plaisir n’a pas été pour moi seul : la Reine est si avide de nouvelles en tout ce qui vous touche, que j’ai l’habitude, depuis votre maladie, de lui communiquer tout ce qui m’arrive. A plus forte raison lui devais-je cette communication à propos d’une lettre de vous, si bien écrite, si pleine de sens, et qui annonçait un si parfait équilibre de l’âme et du corps, c’est-à-dire la santé. Elle a lu au Roi la partie de cette lettre où vous m’entretenez de vos lectures, et Sa Majesté en a été ravie, mais pas plus que moi, j’ai le droit de le dire. Savoir que vous cultivez cette belle et noble intelligence qui est votre lot, et qui sera, un jour, votre force, est pour moi un grand bonheur. J’aime surtout à vous voir mêler ces sérieuses et profitables études aux travaux et aux distractions de votre état, car cela prouve que vous exercez un véritable empire sur vous-même. Je sais bien que Molière, Chateaubriand, Lamartine, Augustin Thierry, n’ont été introduits près de vous que pour charmer les ennuis d’une convalescence ; mais qu’importe à quel titre ils sont entrés ? Vous les avez appelés, cela seul vous honore. Vous pouviez lire de mauvais romans, vous avez préféré de bons livres, et puis vous leur saurez gré du soulagement qu’ils auront apporté à votre ennui, et vous y reviendrez.

J’accepte comme un engagement que vous avez pris avec vous-même ce que vous m’écrivez du retour de votre esprit aux idées et aux études sérieuses, et j’y crois d’autant plus que toute votre correspondance (lettres ou journal) porte l’empreinte de ces dispositions. Vous avez fait, d’ailleurs, ne vous y trompez pas, un métier sérieux. Ces quatre mois vaudront pour vous plus d’une année. Si cette expérience a augmenté votre estime pour notre armée et votre dévouement au bien-être de nos soldats, elle aura servi aussi à vous faire voir la guerre par un côté qui diminuera, je l’espère, l’enthousiasme juvénile et un peu