L’affaire, étant du domaine intérieur de l’Allemagne, échappe à notre contrôle ; nous pouvons éprouver des regrets, nous n’avons pas le droit d’adresser des conseils, encore moins des remontrances. Nous acceptons donc sincèrement, sans réclamer de compensations petites ou grandes, sans machiner de détruire ce que nous avons laissé faire, nous acceptons la nouvelle constitution de l’Allemagne. Nous avons jusqu’ici été favorables à la Prusse en voie de s’agrandir, nous l’avons aidée, nous n’avons plus qu’à vivre en paix avec la Prusse agrandie et devenue la directrice de l’Allemagne. »
Aucun moment n’eût été plus propice pour effacer les préjugés et les rancunes qui nous séparaient de l’Allemagne et pour établir entre le pays de Frédéric et celui de Napoléon une entente féconde, une amitié durable, qui eussent assuré au monde un centre de gravité inébranlable. L’opposition eût crié ; contre quoi ne criait-elle pas ? Mais bientôt une telle plénitude de satisfaction, de sécurité, de progrès, de bien-être, se fût répandue chez nous et en Europe, que ces déclamations n’eussent nui qu’aux déclamateurs.
Qu’attendre, au contraire, de la politique des compensations ? Il n’est pas de cause plus certaine de ruine que de s’engager les yeux fermés, en se persuadant que la route sera tout unie, dans une direction au bout de laquelle il y a un trou. C’était une étrange illusion de s’imaginer que, par la douceur, le raisonnement, la négociation, on obtiendrait des Prussiens gonflés par la victoire ce qu’ils nous auraient refusé durant les angoisses de la veillée d’armes. Et il ne nous eût servi de rien de modérer nos exigences : il n’était pas plus facile d’obtenir un village que toute la rive gauche du Rhin. Une démonstration militaire n’eût pas été plus efficace que la négociation amiable ; il eût fallu en venir à l’intervention guerrière et passer le Rhin. A ce moment, comme l’a dit Bismarck, les Prussiens eussent été obligés de couvrir Berlin et de nous laisser le champ libre, et, comme nous l’ont affirmé Dalwigk et Pfordten, les populations du Sud eussent accueilli les pantalons rouges avec transport, à une condition toutefois, c’est qu’ils arriveraient en libérateurs et non en conquérans, pour empêcher de prendre, non pour prendre. En Dalwigk et Pfordten, les rancunes des ministres du Sud n’avaient pas étouffé le patriotisme allemand. Dès que nous eussions découvert nos desseins annexionnistes, ils nous auraient