L’arrestation presque simultanée de Lesage et de la Voisin avait eu pour effet de stimuler vivement l’activité de la justice. Chaque jour, dans les premières semaines, est signalé par une nouvelle capture. Quinze jours plus tard, le 10 avril 1679, la Chambre ardente inaugure ses fonctions ; les interrogatoires et les perquisitions se succèdent sans relâche, amenant d’effrayantes découvertes, allongeant au-delà de toutes les prévisions la liste des empoisonnemens, des forfaits de tout genre. La répression va du même train ; la corde et le bûcher entrent vite en besogne. Les comparses, les subalternes, sont, suivant la coutume, expédiés les premiers. Dès le 9 mai, la Vigoureux, grande criminelle assurément, mais simple élève de la Voisin, — doublure modeste dans le drame où celle-ci joue le premier rôle, — est mise à la question, et meurt au milieu des souffrances, « d’un abcès dans la tête, » dit naïvement le procès-verbal[1]. Le lendemain, la femme Bosse, sa compagne et son acolyte, est brûlée vive en place de Grève. Ni dans leurs interrogatoires, ni dans les aveux arrachés par la torture de l’eau, des coins ou des brodequins, l’une ni l’autre de ces sorcières, — constatons le fait en passant, — n’a chargé Luxembourg de quelque accusation sérieuse ; ce qui sera plus tard articulé sur ce sujet ne viendra que du seul Lesage et ne sera soutenu par aucun autre témoignage. D’autres empoisonneuses, complices des deux premières et plus obscures encore, expient de même leurs crimes sur l’échafaud. D’un bout à l’autre du printemps, le bourreau de Paris n’a guère le loisir de chômer.
Le premier résultat de ces exécutions fut d’inspirer de sérieuses réflexions aux accusés qu’on tenait en réserve. C’est à partir de ce moment que la Voisin change brusquement de ton et de méthode, se lance à corps perdu dans la voie des aveux, dénonce à tort et à travers tous les gens qui l’ont visitée, les innocens comme les coupables, les plus humbles et les plus grands, ces derniers cependant de préférence aux autres, car, en rusée coquine, elle devine bien que c’est le sûr moyen de retarder l’action de la justice et, ne pouvant sauver sa tête, elle cherche à la garder le plus longtemps possible. « Quelques
- ↑ Archives de la Bastille.