lieutenant général de police, fut sans contredit l’un des hommes les plus probes, les plus estimables de son temps ; mais, fonctionnaire autant que magistrat, il était à la fois juge intègre et bon politique. Arrivé jadis aux honneurs par la protection de Colbert, il s’était rangé peu après dans le camp de Louvois, qui paraissait plus sûr ; depuis ce temps, il demeura toujours l’ami, le familier de l’impérieux ministre. Ajoutons qu’il était un peu timoré de nature, par conséquent influençable. J’en trouve une preuve dans son attitude hésitante, le jour où il se voit brusquement en présence de la terrible accusation contre Mme de Montespan. Il tâtonne, flaire le vent, et ne sait que résoudre : « Je reconnais, — écrit-il à Louvois, grand défenseur de la marquise, — que je ne puis percer l’épaisseur des ténèbres dont je suis environné. Je demande du temps pour y penser davantage, et peut-être arrivera-t-il qu’après y avoir bien pensé, je verrai moins que je ne vois à cette heure. Tout bien considéré, je n’ai trouvé d’autre parti à proposer que de chercher encore de plus grands éclaircissemens et d’attendre du secours de la Providence[1]. » Ce langage est celui d’un homme à l’âme indécise et timide, plutôt que de l’homme résolu, au caractère de fer, à la volonté inflexible, tel qu’on se représente volontiers La Reynie. On ne peut, en tout cas, s’empêcher d’observer que La Reynie montra moins de trouble et moins de scrupule le jour où il s’agit, au lieu de l’altière favorite, d’un accusé que le Roi n’aimait guère et que haïssait son ministre.
Quant au second rapporteur de la Chambre, Claude-Louis Bazin, seigneur de Bezons[2], c’était un esprit distingué, un membre de l’Académie française, un homme du monde aimable et de bonne compagnie, mais ambitieux et souple, toujours en quête d’honneurs, d’emplois et de profits, pour soi-même ou pour ses enfans[3]. Bien qu’il se soit tenu volontairement au
- ↑ Lettre du 11 octobre 1680. La Chambre de l’Arsenal, par P. Clément. Revue des Deux Mondes du 15 février 1864.
- ↑ Né en 1617, d’abord intendant du Languedoc, puis conseiller d’État, élu à l’Académie française, en remplacement de Séguier, en 1643, mort le 20 mars 1684. De ses quatre fils, le second servit plus tard dans l’armée sous les ordres de Luxembourg et fut fait maréchal de France en 1709.
- ↑ Voyez la lettre de M. De Mondion à Condé du 7 avril 1680. Archives de Chantilly.