est un des plus nobles apanages de votre rang, et un des plus sérieux devoirs de votre mission ; n’en méconnaissez pas la grandeur ; accomplissez-la en vous montrant fidèle à l’exemple que vous ont laissé les jeunes patriciens que Rome envoyait en Afrique pour la civiliser, et dont vous retrouverez, à chaque pas, la trace, sous la couche grossière de barbarie que leurs successeurs y ont entassée et que votre mission est de détruire. J’interromps ma lettre pour vous dire que je viens de recevoir le paquet d’Afrique ; c’est une grande joie pour moi, car j’y trouve une lettre de vous. Merci de ce que vous m’écrivez de bon et d’affectueux ; merci de vos vœux pour ma santé ; merci, enfin, de ce souvenir tout aimable que vous donnez à votre vieux maître au milieu des préoccupations et des soins d’un établissement nouveau ; ne vous excusez jamais de ne m’écrire que quelques lignes : un mot de vous suffit, quand c’est votre cœur qui le dicte…
Paris, 24 janvier 1844.
Merci, mon cher Prince, de votre petit mot du 4 courant : je ne vous demande que signe de vie. J’ai eu communication, cette semaine, de deux lettres dont l’une raconte les fêtes du jour de l’an, et l’autre est relative aux mesures de haute administration que vous avez prises pour concentrer entre vos mains l’influence que vos prédécesseurs abandonnaient trop facilement aux chefs arabes établis à Constantine, et ces deux lettres m’ont ravi. Je sais qu’elles ont été mises sous les yeux de Leurs Majestés, qui s’en sont montrées fort satisfaites. Ce que vous avez fait à Constantine est très sensé, et je voudrais pouvoir le crier sur les toits, parce qu’il y a là la marque d’un bon esprit, d’une initiative aussi équitable que loyale, et que, dans notre pays, on est trop disposé à croire que les Princes ne savent que donner de bons coups de sabre. Je voudrais que la France pût assister, par la pensée, à vos lits de justice et pénétrer dans le secret de cette sollicitude que vous étendez sur un si vaste espace, et qui ne s’inspire, en Afrique, que d’idées françaises. C’est, du moins, ce que j’ai conclu de la lecture de ces deux lettres, et l’impression qu’elles ont produite est conforme à mon sentiment. On parle, maintenant, d’une expédition que vous seriez à la veille de faire et qui durerait deux mois : je n’ai pas besoin de vous dire que mes vœux vous y suivent, et l’espoir que le passé m’inspire, et que vous n’êtes pas en peine de justifier…