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de vos nouvelles et bien inquiet du début de votre expédition, qu’on disait devoir être fort difficile ; on prédisait juste. Il paraît que vous avez eu à donner un coup de collier vigoureux, si j’en crois vos pertes, car les détails nous manquent encore ; j’irai les chercher ce soir à Neuilly, impatient de savoir, au juste, le danger que vous avez couru et de vous féliciter, du fond de mon cœur, de cette nouvelle faveur du Ciel qui vous a sauvé Les prudens, — et Dieu veuille que vous les écoutiez, — vous reprocheront encore d’avoir chargé à la tête d’un escadron, comme un officier d’état-major. Ce sont de belles témérités quand elles réussissent ; mais songez à la partie que vous jouez, et quel est votre enjeu, comparé à celui des Arabes. N’avez-vous pas assez de sept à huit baptêmes que vous avez déjà reçus ? Avec ce que vous avez fait et bravé, il y aurait de quoi baptiser militairement tous les princes de l’Europe. A la date du 3, vous alliez repartir pour flanquer le convoi qui devait rejoindre Tabbagart, et Jamin suppose que vous rencontrerez de nouveau ces redoutables Ouled Sulthan qui vous ont déjà fait tant de mal ; cela ne nous remet pas beaucoup de tranquillité dans l’esprit ; mais toujours craindre ne serait pas digne de vous ; ainsi, je reprends confiance, à votre intention. Tout vous a réussi jusqu’à ce jour ; pourquoi cette fin d’expédition ne serait-elle pas heureuse ? Et puis, c’est la dernière, ce mot-là est bien doux à prononcer. Si vous saviez tous les « hélas ! » que j’ai entendus aux Tuileries, quand on a su que vous recommenciez vos campagnes ! On aime fort votre gloire, mais à condition que l’épreuve ne dure pas trop longtemps…


Paris, 12 juillet 1844.

J’arrive de Chantilly, mon cher Prince, et je veux seulement vous donner signe de vie. Chantilly est fort brillant ; j’y ai trouvé un repos salutaire, et j’espère y remettre un peu ma santé toujours chancelante. Je serais allé aux eaux, si j’en connaissais de plus belles que les vôtres ; mais je crains la société remuante