non l’allemand ou l’anglais, qui sont des langues d’affaires ; et, à la vérité, ce français-là n’est pas celui de Voltaire ou de Pascal, mais, une fois qu’on le sait, on peut un jour lire Candide ou l’Ingénu, on peut même avoir la curiosité de lire les Provinciales ; et, en attendant, c’est toujours un commencement de « francisation. » L’expansion de la langue française, dit M. J. Novicow, amènera le progrès des idées françaises, ce qui sera un événement des plus heureux ; » et, ici encore, nous ne pourrions que nous accorder avec lui, si nous n’avions, tout Français que nous sommes, quelque méfiance de ces « idées françaises » dont il souhaite si vivement le progrès.
« On a beau dire, écrit-il aux dernières pages de son livre, le génie français est tout de même, à l’heure actuelle, le plus large et le plus libéral qui existe parmi les peuples civilisés… La France est le seul pays qui ait conscience d’avoir un rôle humanitaire… La France est la plus moderne des nations européennes, la plus orientée vers un avenir de droit et de justice, la plus résolument opposée aux idées de violence et d’agression, legs funeste d’un passé barbare. » Nous voudrions pouvoir souscrire à ces paroles, qui sont assurément flatteuses ; mais, auparavant, nous aimerions savoir ce que c’est que le « legs funeste d’un passé barbare, » et ce que c’est aussi que « ce rôle humanitaire » auquel M. J. Novicow nous convie. Ou plutôt, nous le savons : dans la langue de M. J. Novicow, « le legs funeste d’un passé barbare, » c’est presque tout ce qui passe, de temps immémorial, pour faire la force des nations. Et, quant à notre rôle humanitaire, il consiste, pour M. J. Novicow, comme aussi bien pour toute une école de sociologie, non pas précisément, en toute occurrence, intérieure ou extérieure, à faire prédominer l’intérêt de l’humanité sur l’intérêt français, et donc à sacrifier le second au premier ; mais à croire qu’ils coïncident, qu’ils ne peuvent pas ne pas coïncider ; et à nous conduire comme s’ils coïncidaient. Ce n’est malheureusement pas ce que nous enseigne l’histoire, dont je conviens d’ailleurs qu’il ne faut pas que les enseignemens pèsent à jamais sur l’avenir, et dont les leçons ne sont pas tellement impérieuses que l’on n’y puisse quelquefois passer outre, mais dont il ne faut pas non plus dédaigner les avertissemens, et dont il faut nous souvenir qu’à chaque moment de la durée les annales représentent la totalité de l’expérience humaine. Le « legs funeste d’un passé barbare, » je crains, en vérité, que