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se trouve créée une nouvelle marque commerciale. Mais celle-ci n’est pas aisée à maintenir. Le distillateur qui veut livrer au commerce une liqueur dont les qualités ne varient pas d’un moment à l’autre, d’une opération à l’autre, s’astreint à n’avoir qu’un seul stock de réserve, qu’une seule cuvée dans laquelle il ajoute sans cesse la préparation du jour à celle de la veille.

On conçoit que toutes ces espèces d’absinthes offertes au consommateur ne diffèrent cependant que peu quant à leur composition chimique. Elles se rapprochent plus ou moins de la formule indiquée par M. Pouchet et par M. Lalou. Pour un litre d’alcool à 70° centésimaux, on emploie au maximum 20 grammes d’essences, à savoir : 6 grammes d’essence d’anis, 4 de badiane, 2 grammes de chacune des essences de coriandre et de fenouil, 1 gramme de celles de menthe, d’hysope, d’angélique et de mélisse, et seulement 2 grammes d’essence d’absinthe ! Ainsi, la liqueur d’absinthe contient neuf fois plus d’essences étrangères que de véritable essence d’absinthe.


IV

L’étude des propriétés physiques et chimiques des essences utilisées dans la fabrication des liqueurs a fourni une base utile à l’examen de leur action sur les organismes vivans. Ces produits odorans, volatils et inflammables appartiennent au groupe des huiles essentielles. Elles ne forment point un groupe naturel et n’ont guère en commun que leurs caractères physiques. Elles ne sont pas miscibles à l’eau, bien qu’elles soient susceptibles d’être entraînées par la vapeur dans l’opération de la distillation. Elles tachent le papier comme l’huile ordinaire, mais avec cette différence que la tache disparaît par le chauffage, tandis que celle du corps gras persiste. — Leur étude chimique commencée, il y a un demi-siècle, par Cahours, Laurent et Gerhardt avait ensuite été négligée et interrompue. Elle a été reprise, il y a une quinzaine d’années, en Allemagne par Wallach, von Baeyer, Tiemann, Wagner et, en France, par un groupe de chimistes parmi lesquels il faut citer MM. Bouveault, Barbier, Bouchardat, Dupont et Charabot. De grands progrès ont été accomplis : des alcools nouveaux, à noyau terpénique, ont été caractérisés, tels le linalol, le géraniol, le citronnellol ; des espèces chimiques ont été découvertes, des faits nombreux mis en