On attendait la rentrée des Chambres sans impatience, mais avec curiosité. Qu’allait-il se passer au théâtre du Palais-Bourbon ? Il ne fallait évidemment pas s’attendre à une pièce originale ; mais, parmi les anciennes, laquelle allait-on reprendre ? Au moment où la session s’est rouverte, les doutes à cet égard étaient déjà dissipés. Des incidens graves s’étaient produits dans plusieurs paroisses de Paris. Depuis quelques jours, la presse radicale-socialiste avait ressuscité la vieille question de la séparation de l’Église et de l’État. Cette question avait joué, il y a quinze ou vingt ans, un certain rôle dans les luttes électorales ; mais elle avait fini par passer de mode. Il y a, comme cela, des questions qui, après avoir occupé le devant de la scène, sont remisées au magasin des accessoires, où elles dorment plus ou moins longtemps. On croyait, à dire vrai, que le sommeil de celle-ci durerait davantage, et cela pour un motif que nous n’hésiterons pas à avouer : c’est qu’on prenait le parti socialiste au sérieux.
Lorsque ce parti a annoncé son avènement avec fracas, Dieu sait à quel point le programme du parti radical était usé ! Ce programme comprenait en première ligne la séparation de l’Église et de l’État, puis la révision de la Constitution, la suppression du Sénat ou la diminution de ses droits, et autres prétendues réformes de l’ordre purement politique. Que de bruit, que d’efforts n’a-t-on pas faits pour le réaliser, mais toujours en pure perte ! Cette période de notre histoire parlementaire a été d’une parfaite stérilité. « Nous nous levons alors, » ont pu dire les socialistes, comme le Cid. Ils sont venus, en effet, avec un programme qu’ils présentaient comme nouveau. Du coup, toute la défroque du radicalisme a été mise de côté. Qu’importait au pays les rapports de l’Église et de l’État ? Le moindre grain de mil faisait