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en grande tenue ; et, sur le siège, à côté du cocher, un vieux général, coiffé de la casquette prussienne, à large bandeau. C’était le maréchal de Moltke.

Pendant les manœuvres, il montait un simple cheval de troupe ; il n’avait pas de suite et se tenait généralement à l’écart. Dans les réceptions de la Cour, il s’effaçait dans une embrasure, pendant qu’on faisait cercle pour saluer l’Empereur.

La constatation de cette grande modestie permet, peut-être, de deviner qu’elle a dû être la nature des relations de service du maréchal de Moltke avec son souverain. Il est probable que l’empereur Guillaume a su apprécier de bonne heure non seulement la haute valeur de son chef d’état-major, mais son tact, sa retenue. Certain de le voir rentrer dans le rang, s’effacer à temps, et respecter toujours le prestige de la couronne, il a pu lui laisser une initiative sans bornes. Une confiance absolue et réciproque a dû s’établir bientôt entre Guillaume Ier et son chef d’état-major, qui, du reste, devait, plus que tout autre, à son souverain, sa fortune militaire. Cette confiance réciproque ne s’est jamais relâchée.

Comment travaillaient-ils ensemble ? Il est probable que, si, dans toutes les circonstances, Moltke savait présenter à temps à l’Empereur des solutions bien préparées, bien étudiées, de son côté, le souverain qui connaissait si bien les hommes, devait aussi savoir apprécier les événemens à leur juste valeur ; et que la netteté, la sûreté de ses décisions, ont dû jouer un grand rôle sur la marche des événemens.

La correspondance militaire du maréchal de Moltke va nous permettre maintenant de montrer, tout au moins dans leurs grandes lignes, non pas le rôle complet, mais les procédés d’action du grand état-major prussien, pendant la campagne de 1870-1871. Nous nous servirons aussi de renseignemens publiés en Allemagne sur l’intervention du grand état-major pendant cette guerre.

Mais, auparavant, il n’est pas inutile de rappeler, pour réagir contre le découragement, que si les opérations des Allemands ont réussi avec une correction magistrale, cela tient en grande partie, à ce qu’elles n’ont subi aucune entrave sérieuse de la part de leur adversaire.

Au début, lorsque l’armée allemande est en face de nos troupes régulières, si vaillantes cependant, notre gouvernement