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Le 3 et le 4 août, divers ordres sont donnés par le général de Moltke aux commandans en chef des Ire, IIe et IIIe armées pour le commencement des opérations. En même temps, le général de Moltke écrit au général-lieutenant de Blumenthal, chef d’état-major de la IIIe armée, commandée par le prince royal Frédéric, une lettre personnelle datée de Mayence, le 4 août 1870[1] :

« J’ai l’honneur de faire connaître à Votre Excellence, en réponse à la dépêche qu’elle a bien voulu m’adresser hier au soir, que les idées qui y sont développées concordent parfaitement avec les vues et les intentions que l’on a ici.

« Liberté complète est laissée à la IIIe armée dans l’accomplissement de la mission qui lui est confiée. Une coopération directe avec la IIe armée n’est pas possible, en raison même de la constitution des montagnes de la Hardt. L’harmonie dans les opérations ne peut s’obtenir que d’ici même, en tenant compte des mesures prises par l’ennemi.

« Il serait très désirable que Son Altesse Royale abordât le plus tôt possible le corps de Mac-Mahon et éventuellement celui de Failly. C’est à Haguenau au plus tard qu’on verra si ces troupes françaises ont été, elles aussi, dirigées sur la ligue Saint-Avold-Sarreguemines. Dans ce cas, pousser plus au sud serait vouloir donner un coup d’épée dans l’eau, et un changement de direction vers la Sarre supérieure semblerait indiqué… »

La lettre continue par des indications sur le rôle des deux autres armées et même sur la coopération des trois armées : « L’entrée en ligne simultanée des trois armées dans la bataille décisive est le but désiré ; et c’est dans cette intention que l’on cherchera d’ici à en régler les mouvemens. »

Voilà donc, en dehors des ordres donnés par le Roi au prince Frédéric, commandant la IIIe armée, le chef d’état-major de cette armée plus complètement encore et directement renseigné par le chef du grand état-major, non seulement sur les désirs du généralissime en ce qui concerne la IIIe armée, mais sur le but général des opérations des trois armées. Il est ainsi entièrement guidé pour agir, en raison des événemens tels qu’ils vont se présenter, dans le sens de ces désirs et de ce but général. En un mot, — de notre langage militaire, — il est « orienté. » Nous

  1. Correspondance militaire du maréchal de Moltke. Ier vol., p. 243. Henri Charles-Lavauzelle, éditeur.