Suisse. Il n’en éveilla pas moins la concurrence. Quand Frédéric Borromée, en 1602, envoya un prêtre pour desservir la chapelle de l’Hospice du Saint-Gothard et voulut agrandir ce dernier, il se heurta à l’opposition des habitans d’Airolo, qui se jugeaient frustrés ainsi d’une partie de leurs ressources.
C’est qu’en effet les voyageurs en Suisse commençaient à devenir plus nombreux. Si les missionnaires avaient fait leur œuvre ; si la Suisse, libre et respectée, n’était plus en proie aux armées étrangères, le commerce s’était développé. On revenait aux sources minérales et thermales. Æneas Sylvius, le futur pape Pie II, allait aux bains de Bade en Argovie. Un employé spécial y était chargé de la police ; armé d’une longue férule, il n’hésitait pas à s’en servir et, au besoin, faisait enfermer « dans la tour du chien ou dans le pigeonnier » tout « fauteur de désordre ou donzello impudique. » Louèche, en Valais, était également très fréquenté. L’évêque Jean de Pèleran y avait bâti un établissement ; le fameux cardinal Mathieu Schinner y fit, en 1501, construire une maison à la place où se trouve actuellement l’Hôtel de France. En 1630, l’abbé de Pfeffers, Hœslin, aménagea à nouveau les sources découvertes en 1242 par le chasseur Vogler : on y comptait déjà trois cents baigneurs et, depuis, elles ont fait la fortune de Ragatz.
On aurait tort d’ailleurs de penser que les hommes du moyen âge furent aussi insensibles aux beautés de la montagne que paraissent l’avoir été les anciens. Il n’y a, pour se convaincre du contraire, qu’à observer la façon dont ils choisissaient le site de leurs châteaux ou de leurs églises ; il n’y a qu’à se souvenir que les peintres ou imagiers de cette époque ne croyaient pas pouvoir donner à leurs tableaux, ou même à leurs portraits, un arrière-plan plus beau que des profils de montagne.
Mais c’est surtout au grand mouvement d’idées provoqué par la Renaissance que la Suisse dut d’être mieux connue. Enivré de l’antiquité retrouvée, l’esprit humain veut soulever le voile de l’Isis mystérieuse, il veut connaître les secrets de la nature, et la montagne lui apparaît comme leur terrible gardienne. En 1518, le duc Ulrich de Wurtemberg, puis Joachim de Watt, font, pour la première fois, l’ascension du Pilate, auquel la légende de Ponce-Pilate, enseveli sous les eaux sombres du lac de Brundlealp, prêtait une redoutable auréole. Rellicanus célèbre en vers latins celle du Stockhorn (1536), et, dès 1514, la