San-Roque, à quelques kilomètres de là, bien que l’on y sente encore la proximité de la frontière, est plus coquette et plus originale : là vraiment commence l’Espagne.
Sur le rocher de calcaire aride, l’ingéniosité du gouverneur George Don a créé un délicieux jardin et une promenade, l’Alameda, dont les ombrages verdoyans s’étendent au sud de la ville, au-delà de la porte du Prince-Edouard ; une végétation luxuriante s’y développe, les plus beaux arbres et les fleurs les plus charmantes du domaine méditerranéen y poussent. C’est là que les habitans, les officiers et les soldats viennent chercher, l’été, un abri contre les ardeurs du soleil. Le climat de Gibraltar est, en effet, très désagréable : en hiver, les vents d’est lui apportent des brouillards opaques, qui rappellent aux Anglais ceux de Londres ; des courans glacés descendent des sommets neigeux de la Sierra de Ronda ; l’été, au contraire, la ville, en espalier sur le flanc occidental, est exposée à toute la chaleur des rayons du soleil, réfractés sur les parois blanches du rocher. Les habitans se réfugient en territoire espagnol ou cherchent la fraîcheur, pendant le jour, dans l’Alameda ou sur la route de l’Est, où s’élève le cottage du gouverneur.
Gibraltar est peu commerçante : les négocians qui y résident s’occupent surtout de la ravitailler ; ils font venir d’Espagne et de Tanger tout ce qui est nécessaire à la vie sur un rocher qui ne produit rien. Quel commerce, d’ailleurs, pourrait y prospérer ? Aucun chemin de fer n’y accède, et il faut traverser la baie d’Algésiras pour rejoindre la ligne qui communique avec l’intérieur de l’Espagne ; les étrangers ne sont tolérés sur le rocher qu’avec des permis de séjour de un ou de cinq jours, et il est très difficile d’obtenir un permis de trois mois. Il n’y a pas, dans la presqu’île, d’autre propriétaire que l’Etat anglais ; les maisons, les terrains qu’il concède à un particulier, lui reviennent, de droit, au bout de trente ans. Les habitans n’ont aucune part au gouvernement de la ville ; c’est un conseil de cinq membres, nommés par la Couronne, qui gère, avec le lieutenant-gouverneur, les affaires municipales. L’autorité du gouverneur, actuellement sir George White, le défenseur de Ladysmith, est absolue et entière.
Les anciens remparts, les vieux bastions qui ont, lors du « grand siège, » de 1779 à 1783, repoussé l’effort des Français et des Espagnols, et supporté le bombardement des fameuses