ne ferme plus et ne fermera jamais les portes de la Méditerranée ; les Anglais les moins férus d’impérialisme s’y sont déjà résignés ; volontiers ils se contenteraient, au risque de déplaire à M. Gibson Bowles, d’y conserver un port de commerce et un point d’appui pour leurs escadres, d’autant plus qu’en temps de guerre, le centre des opérations navales de la flotte britannique ne serait pas ce rocher, sans port naturel et exposé au bombardement, mais bien Malte, entourée de tous côtés par l’immensité des flots, avec ses bassins magnifiques, ses magasins et ses arsenaux.
La presqu’île de Gibraltar n’est qu’un accident de la côte espagnole, un rocher dont l’escarpement, plongeant à pic sur le détroit, a fait la fortune. Au contraire, le petit archipel maltais a sa physionomie originale, sa population, sa langue, ses annales ; dans la vie générale de la Méditerranée, il a son rôle à lui, qui n’est pas seulement un rôle militaire.
Après quelques jours passés dans l’île, si, d’impressions parfois contradictoires, l’on cherche à dégager les traits caractéristiques du paysage et du caractère maltais, un doute vient sur le véritable état civil des habitans : sont-ils Africains ou Européens ? Sont-ils Anglais, ou seraient-ils Italiens, Français, Arabes même, ou tout simplement Maltais ? Ils sont un peu tout cela sans être complètement ni l’un ni l’autre : ils sont des Méditerranéens. Située à mi-chemin entre les côtes de Syrie et celles d’Espagne, ancrée, comme un vaisseau de guerre, au milieu du large canal qui sépare l’Afrique de la Sicile et de la Grèce, proche voisine de Carthage et de Syracuse, de Nauplie et de Tripoli, de Tarente et de Cyrène, Malte est au centre géométrique et géographique de la mer intérieure ; on dirait, malgré ses étroites dimensions, qu’elle résume, qu’elle synthétise en elle la vie méditerranéenne, avec ses races et ses langues si diverses, avec sa lutte séculaire de la Croix contre l’Islam, avec sa laborieuse activité, en même temps qu’avec sa grâce voluptueuse.
Lorsqu’elle surgit, avec ses deux acolytes, Gozzo et Comino, aux yeux du voyageur qui arrive, toute blanche, toute miroitante au milieu des eaux d’un bleu d’ardoise qui l’assiègent de tous côtés, ses hautes falaises calcaires, ses plateaux dénudés, sans végétation, rappellent les promontoires de la Grèce, les côtes