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feuilles dans le… dos. Les hommes ont moins encore, c’est-à-dire rien du tout. Nous leur achetons des arcs et des flèches dont ils se servent d’ailleurs avec une extrême adresse. Nous nous procurons aussi quelques costumes complets pour dames. Ce n’est pas encombrant à rapporter. Ces braves gens sont, paraît-il, anthropophages. Les Anglais s’en réjouissent, car lorsqu’un de leurs prisonniers s’échappe, il est certain de tomber dans la marmite d’un sauvage. Aussi les évasions sont-elles excessivement rares. Ces geôliers-là sont vigilans et ne coûtent rien. Quand les indigènes sont en deuil, ils se teignent plus ou moins le corps en blanc selon le degré de parenté. On nous signale une dame complètement peinturlurée comme si elle avait pris un bain de céruse. C’est une veuve qui a perdu son mari l’autre semaine. Le pauvre homme est actuellement suspendu à un arbre du rivage. On attend que les corbeaux et les fourmis aient complètement nettoyé son squelette. Quand l’opération sera parfaite, la femme prendra ses ossemens pour s’en faire des bracelets et portera son crâne en sautoir pour y mettre du tabac. En attendant, remplie de la philosophie des races primitives, elle fume sa pipe avec tranquillité.

Le gouverneur a organisé en notre honneur une « large party » à laquelle sont conviés les officiers, les fonctionnaires et leurs femmes, toute une petite colonie peu habituée à recevoir des visites dans leur vie de Robinsons. Nous nous embarquons dans des chaloupes et des canots avec une escorte de cipayes. D’abord on remonte des cours d’eau ombreux où de grands oiseaux s’envolent à notre approche ; puis, par des sentiers de montagne, au milieu de la belle végétation tropicale, nous arrivons à un site sauvage où un lunch est préparé. Et Ton sable gaîment le Champagne, devant la nature vierge, à l’ombre des grands arbres, pendant que les éléphans porteurs, maintenant au repos, dodelinent de la trompe, et nous considèrent avec curiosité de leurs petits yeux clignotans.


BIRMANIE

Rangoon est situé à une trentaine de milles de la mer sur une rivière qui communique avec une des bouches de l’Irawady. C’est une situation analogue à celle de Saigon. Analogue aussi est le pays, formé d’alluvions du grand fleuve, plat et monotone,