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LES ORIGINES POPULAIRES
DU
CONCORDAT[1]

On a beaucoup écrit sur le Concordat. De M. d’Haussonville à M. Boulay de la Meurthe, du P. Rinieri au cardinal Mathieu, l’on s’est mis à la piste des multiples personnages, négociateurs de carrière ou négociateurs d’occasion, qui travaillèrent à rasseoir l’Église de France : l’histoire diplomatique du Concordat est bien près d’être achevée. Mais une autre histoire restait à faire. Avant d’être élaboré près des tapis verts ou dans les coulisses politiques, le Concordat fut voulu, exigé, rendu nécessaire par le vœu d’un peuple. On avait dit à ce peuple, sous le régime révolutionnaire, qu’il avait enfin le droit de parler ; et, bien que le bourreau fût là, toujours prêt à clore les lèvres gênantes, ce peuple avait senti qu’il y avait quelque chose de changé ; que, sans être dupe du verbiage dont on l’abreuvait, il pouvait du moins aspirer à jouer un rôle dans sa propre histoire, à aiguiller ses propres destinées ; et qu’enfin l’opinion, qui jadis était élite, s’était faite masse. Or, le premier usage que cette opinion fit d’elle-même fut de réclamer la restauration d’un culte régulier, la réédification d’un établissement ecclésiastique sérieux ; et ce pour quoi fermentait cette masse, toute chaotique encore, c’était pour avoir où s’agenouiller, où se confesser, où prier. La genèse du Concordat dans la conscience française, ainsi pourrait s’intituler le volume nouveau que vient de publier M. l’abbé Sicard. Nous tenant à l’écart des conseils de l’État et des conseils de l’Église, nous nous mettons aux écoutes du peuple,

  1. Abbé Sicard, les Evêques pendant la Révolution, t. III : De l’Exil au Concordat. Paris, Lecoffre. 1903.