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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/943

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l’appeler, de jeunes poètes qui l’admirent avec raison, car il a toutes les hautes qualités d’un chef d’école, et qui l’imitent de leur mieux. » Ce qui achève de prouver la force irrésistible du courant, c’est qu’à son tour et à sa manière, Victor Hugo s’y est prêté. Car c’est interpréter la composition de son œuvre de la façon la plus fausse, que d’y voir le développement continu d’un même principe intérieur. Au contraire Hugo reçoit du dehors toutes les impulsions, et son mérite incomparable consiste dans la force souveraine avec laquelle il se les approprie. Puisqu’il en a lui-même convenu, on ne voit pas quelle raison la critique pourrait avoir de lui donner sur ce point un démenti et pourquoi elle se travaillerait à le connaître moins bien qu’il ne s’est lui-même connu. Il a été « l’écho sonore que Dieu mit au centre de tout. » Il a répété toutes les voix du siècle. En écrivant la Légende des siècles il est difficile et il serait vain de contester qu’il ait subi l’influence de Leconte de Lisle, comme il avait précédemment subi l’influence de tant d’autres et de moins grands. Dans la mesure où cela lui est possible, il fait son effort pour réaliser une poésie objective.

Au surplus il s’en faut que la cause de l’art impersonnel fût définitivement gagnée. Le réalisme ne va pas, lui non plus, suivre dans ses progrès une ligne droite et ininterrompue. Le romantisme aura son retour offensif. Dans l’histoire de la littérature comme dans l’autre, il faut toujours compter avec l’imprévu, c’est-à-dire avec l’intervention de l’homme de génie. Tout en se mettant à la mode nouvelle, Victor Hugo reste essentiellement lyrique, et dans l’éloignement où l’exil le confine, son lyrisme devient plus impérieux que jamais. « Le Père était dans l’ile ; » mais de l’île où risquait de l’oublier le culte de ses dévots, il se rappelait à l’attention par les explosions magnifiques de ses colères et de ses enthousiasmes. Le lyrisme des Châtimens, des Contemplations, et même de Légende des siècles faisait échec au réalisme des Gautier, des Leconte de Lisle, des Bouilhet. C’est sous cette double influence qu’a débuté le groupe des Parnassiens.

Dans la formation du groupe parnassien M. Catulle Mendès revendique une part, qui ne semble pas avoir été très considérable, mais qui est réelle. C’est lui qui, jeune homme de dix-sept ans, tout frais débarqué de sa province, fonda avec Louis-Xavier de Ricard la Revue fantaisiste d’où est sorti le Parnasse contemporain de 1865. C’est donc ici que nous l’attendons et nous sommes tout prêts à nous en rapporter à lui pour connaître l’état d’esprit, les tendances, les projets des jeunes poètes. Il va au-devant de nos désirs quand il écrit : « Il faut ici une fois pour toutes s’expliquer sur le mouvement appelé