voulait donner plus de libertés locales à l’Irlande et lui rendre en partie le gouvernement d’elle-même. M. Chamberlain désapprouvait tout cela. Il était partisan de l’union quand même, de l’union absolue : aujourd’hui il veut l’étendre à l’empire tout entier. Il ne s’agit pour le moment que de l’union économique, mais ce n’est sans doute qu’un commencement. La pensée de M. Chamberlain est essentiellement politique, et ce serait lui donner des proportions mesquines que de la restreindre à celles du domaine économique. Toutefois M. Chamberlain a commis une faute ; il a commencé par où il aurait dû finir. Il aurait fait accepter à l’Angleterre toutes les autres sortes d’unions avant l’union douanière. En lui proposant celle-là, il a heurté ses convictions et ses habitudes invétérées, il a été séduit par le souvenir du Zollverein allemand : mais quelle analogie y a-t-il entre les pays germaniques, placés tous à côté les uns des autres dans la même région du continent européen, et les terres britanniques, disséminées à des milliers de lieues les unes des autres sur la planète entière ? Les premiers avaient vraiment des intérêts communs, non pas les seconds. M. Chamberlain ne paraît avoir vu dans le Zollverein qu’une chose, à savoir qu’il a préparé l’unité politique de l’Allemagne ; et, comme il poursuit lui-même un rêve d’unité gigantesque, ce grand, mais décevant exemple s’est emparé de son imagination. Son esprit est simple, logique, fidèle à quelques axiomes directeurs. Il va droit à son but suivant une marche rectiligne. Il n’a d’autre tort que de négliger les obstacles : nous croyons même qu’il ne les aperçoit pas.
L’effet produit en Angleterre par son discours de Birmingham a été immense. Il était facile de s’y attendre. On a compris tout de suite de quoi il s’agissait. Proposer des droits préférentiels pour les colonies qui entreraient dans l’union douanière, c’était s’engager à frapper de droits plus élevés les produits des autres pays. Or, le commerce que fait actuellement l’Angleterre avec ses colonies est tout au plus le tiers de celui qu’elle fait avec le reste du monde. Sans doute ce commerce augmenterait, si le système de M. Chamberlain l’emportait, mais il est impossible de dire dans quelle proportion, et, en tout cas, ce serait jouer très gros jeu que de risquer deux tiers contre un. Ce côté de la question mérite une étude technique qu’il nous est impossible de faire ici. La conséquence inévitable du système serait le renchérissement des objets de consommation de première nécessité, révolution profonde dans la vie du pauvre, dont le déjeuner est en principe exempt d’impôts. Chose singulière, et qui,